En lice pour le Prix Comar : Youssef Glenza explore l’univers glauque et séduisant du mezoued

Dans son premier roman intitulé ‘‘Nouba’’, Youssef Glenza nous plonge dans l’univers rouge et noir des bas-fonds de la médina où la délinquance, la drogue et la musique populaire, ici le mezoued ou rboukh, se côtoient dans une proximité douce amère.

Par Latif Belhedi

Cet univers à la fois glauque et attachant a souvent fasciné écrivains, cinéastes, musiciens et autres hommes de spectacle. On se souvient, à ce propos, de ‘‘Nouba’’ de Fadhel Jaziri et Samir Agrebi, présenté l’été 1991 au Festival de Carthage, dans une débauche de sons, de couleurs et de lumières, avec la participation de grandes stars de la chanson, tels Lotfi Bouchnak, Slah Mosbah ou autres Hedi Habbouba et Salah Farzit, figures emblématiques de cette musique populaire devenue incontournable. Ce spectacle a marqué, à l’époque, la réhabilitation officielle du mezoued, une musique de voyous et de repris de justice, sortie des prisons et des bas-fonds des métropoles.

Des personnages hauts en couleurs

C’est, d’ailleurs, à cette époque, où le mezoued commençait à s’imposer sur la scène culturelle tunisienne, et à être même adopté par l’élite bien pensante, que nous renvoie Youssef Glenza, qui situe l’action de son roman – car c’est un roman d’action – dans cette phase historique où deux mondes se rejoignent enfin – celui des beaux quartiers et celui des bas-fonds – dans une sorte d’ivresse collective et de catharsis sociale propices à tous les compromis et à toutes les réconciliations.

Le roman est écrit comme un scénario, la narration y étant souvent réduite à d’interminables dialogues entre les protagonistes, avec un découpage séquentiels et un souci de la transition que n’aurait pas renié le plus avant-gardiste des cinéastes (le roman est, en réalité, inspiré par la série télévisée homonyme de Abdelhamid Bouchnak).

Youssef Glenza nous donne à voir, à écouter et à aimer des personnages hauts en couleurs, qui s’aiment et se haïssent, se font parfois la guerre, mais qu’unit un même lieu, la médina de Tunis avec son charme désuet et ses bâtiments croulants, et une même passion : la musique, celle qui sort des tripes, aux sons de la cornemuse, de la darbouka et du bendir, et qui exprime les mille et un sentiments que seul l’amour inspire.

Enquête dans un panier à crabes

Dans ce milieu interlope, secret et exubérant à la fois, on suit les tribulations des personnages comme Meher, Wajdi, Baba El Hedi, Noureddine, Wassila, Bringa, Bazdiq, Habiba, Ismaïl ou encore Farah, la policière déguisée en danseuse qui mène son enquête dans ce panier à crabes, et d’autres encore tout aussi attachants, même dans leurs excès, artistes à la petite semaine, danseuses en mal de succès, petits commerçant et grands trafiquants, y compris de drogue et autres produits illicites.

La narration est fluide, le rythme frénétique comme l’est d’ailleurs les sons fracassants de la darbouka, et le suspense est à couper le souffle. On se laisse entraîner, on s’accroche, et on aime cette plongée en apnée dans un milieu où les sentiments (et les ressentiments) sont exacerbés à l’extrême.

On aime même si l’écriture est bancale et le style rudimentaire, plus proche du scénario de série télévisée que de l’écriture littéraire proprement dite. C’est là d’ailleurs la principale faiblesse de ce roman qui se laisse malgré tout lire avec plaisir.   

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