Le Parti destourien libre (PDL) semble être aujourd’hui la seule formation politique en Tunisie à disposer de structures pérennes et viables et d’une base disponible et dynamique qui se mobilise fortement pour revendiquer le droit de leur présidente, l’avocate Abir Moussi, à se porter candidate à la présidentielle, dont le 1er tour est prévu pour le 6 octobre 2024. Vidéo.
Imed Bahri
Le fait que Me Moussi soit incarcérée depuis le 4 octobre 2023 et poursuivie en justice dans plusieurs affaires ne facilite pas, il est vrai, les choses, d’autant que les militants du PDL estiment que toutes ces affaires sont montées de toutes pièces et qu’elles visent à empêcher leur présidente, la seule capable de disputer la présidence de la république au président sortant, Kaïs Saïed en l’occurrence, comme n’ont cessé de le montrer les sondages d’opinion au cours des dernières années, avant et après les déboires judiciaires de Mme Moussi.
Quoi qu’il en soit, les PDListes ne désarment pas : ils organisent sit-in sur sit-in, manifestation sur manifestation, et tiennent des conférences de presse pour attirer l’attention de l’opinion sur la situation de leur présidente et candidate «séquestrée depuis dix mois». C’est l’expression utilisée par Thamer Saad, membre du bureau politique du PDL, lors d’un point de presse organisé vendredi 4 juillet à Tunis, qui a souligné le droit de la présidente du parti à exercer une activité politique sans que ses déclarations critiques à l’égard du pouvoir en place ne soient assimilées à un complot contre l’Etat.
Sans interférence d’aucune sorte
Le même jour, Mme Moussi était entendue par le juge d’instruction dans l’affaire dite du bureau d’ordre de la présidence de la république qui a donné lieu à d’autres affaires.
«La candidature de la présidente du parti à la présidence de la république a été annoncée depuis le 19 février 2023», a cru devoir rappeler Thamer Saad, c’est-à-dire plusieurs mois avant l’arrestation de Me Moussi et sa mise en dépôt à la prison de Manouba, ajoutant que «les militants du PDL soutiennent cette candidature et la réalisation de ce droit reconnu par la constitution».
Le membre du bureau politique du PDL a, par ailleurs, exprimé son étonnement face aux procédures relatives à la présentation des candidatures telles qu’explicitées par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), et qui ne sont pas appliquées avec la rigueur et la justesse requises, selon lui. Les conditions et les critères de candidature ne sont pas clairs, estime M. Saad, appelant à laisser la souveraineté au peuple pour qu’il choisisse lui-même ses candidats et pour que ces derniers gagnent sa confiance, sans interférence d’aucune sorte.
Bulletin n° 3 et légalisation de signature
Intervenant lors de la même conférence de presse, Me Karim Krifa, membre du comité de défense de Me Moussi, a fait part, de son côté, de son étonnement de l’imposition par la commission électorale du fameux bulletin n°3 relatif aux antécédents judiciaires. Ce document administratif, dont doit se prévaloir chaque candidat, est délivré par le ministère de l’Intérieur, qui est sous la tutelle directe du pouvoir exécutif, incarné par le président de la république Kaïs Saïed, lequel sera très probablement candidat à sa propre succession. «A quoi sert ce document et pour prouver quoi ?», s’est demandé Me Krifa, estimant que les conditions et critères d’octroi du bulletin n°3 ne sont pas inscrites dans la Constitution mais dans une décision réglementaire de la commission électorale.
Le comité de défense de Me Moussi va examiner cette condition et y faire opposition, parce qu’il s’agit d’une condition inédite, a indiqué Me Krifa. Il en est de même de l’exigence de la légalisation de signature du candidat à la candidature auprès des autorités administratives, a-t-il ajouté, tout en demandant à la commission électorale de dire comment Me Moussi va pouvoir faire légaliser sa signature alors qu’elle se trouve en prison. «Va-t-on permettre au responsable de l’état civil de se déplacer en prison pour recueillir sa signature ou va-t-on la libérer provisoirement pour qu’elle puisse jouir de ce droit?», s’est demandé Me Krifa en rappelant que Me Moussi est inscrite sur le registre électoral et que son nom n’en a pas été supprimé, ce qui lui confère le droit politique et civique de porter sa candidature à la présidence de la république, surtout qu’elle présente toutes les conditions requises pour cela, telles que spécifiées par la commission électorale.
Malgré ces contraintes et ces obstacles administratifs qui visent à empêcher sa cliente de présenter sa candidature à la présidentielle, Me Krifa a cru pouvoir affirmer que le comité de défense de Me Moussi va présenter son dossier complet de candidature à la commission électorale. «En cas de refus, ce ne serait pas parce qu’elle ne remplit pas toutes les conditions habituelles requises, mais parce qu’elle ne remplit pas les conditions ajoutées par le pouvoir», a conclu Me Krifa. Tout en appelant la commission électorale à faire preuve d’impartialité et d’équité et à garantir les droits de tout citoyen ayant la qualité d’électeur et présentant toutes les conditions de candidature, Me Krifa a affirmé que les dossiers des 7 affaires intentées à Mme Moussi n’apportent la preuve d’aucun délit parmi ceux qui lui sont reprochés.