La présidentielle tunisienne entre controverses et procès d’intention

Plusieurs questions font débat et jettent une ombre sur les conditions dans lesquelles se prépare la présidentielle du 6 octobre prochain, qui ne sont pas exemptes de controverses et de procès d’intention.

Imed Bahri

Au final, 17 dossiers de candidature à l’élection présidentielle prévue le 6 octobre prochain ont été déposés auprès de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), entre le 29 juillet et le 6 août.  

«On ne peut parler de dossier complet avant que le conseil de l’Isie n’en décide», a averti le porte-parole de la commission  électorale Mohamed Tlili Mansri, laissant entendre que certaines candidatures ne seront finalement pas retenues, d’autant que l’on sait, d’ores et déjà, par l’aveu même de certains candidats que leurs dossiers son incomplets parce qu’ils ne contiennent pas le fameux bulletin n°3 relatif aux antécédents judiciaires. Selon leurs dires, ce document officiel ne leur a pas été délivré par les autorités concernées.

Le rôle trouble de l’administration

En réponse à ces récriminations, le ministère de l’Intérieur a annoncé, mardi 6 juillet, dans un communiqué, qu’il a répondu favorablement à toutes les demandes d’obtention du bulletin n°3… à l’exception des demandes formulées par des candidats impliqués dans des affaires pénales ou qui font l’objet d’enquête judiciaire.

Cette réponse suscite des interrogations, car l’ouverture d’une enquête judiciaire ne vaut pas condamnation, et les candidats privés du bulletin n°3 peuvent se prévaloir de la présomption d’innocence et répliquer que leur casier judiciaire était vierge au moment du dépôt de leur candidature. La question fait donc débat et jette une ombre sur les conditions dans lesquelles se déroule cette présidentielle, qui n’est pas exempte de controverses et de procès d’intention.

Sur les 114 personnes ayant retiré le formulaire de collecte des parrainages populaires depuis le site web de l’Isie (93% d’hommes et 7% de femmes), seuls 17 ont pu déposer leur candidature auprès de la commission électorale. Beaucoup de candidats à la candidature ont évoqué les difficultés qu’ils ont eues pour constituer le leur, en raison, disent-ils, du manque de coopération des autorités publiques sinon des obstacles que celles-ci ont mis sur leur chemin.

Quoi qu’il en soit, parmi les candidatures perdues en chemin, certaines aurait pu avoir un certain poids dans la balance. Et on peut s’attendre à ce que, sur les 17 candidatures ayant passé le premier filtre, celui du dépôt du dossier, plusieurs autres seront perdues lorsque la commission électorale annoncera, le 11 août, la liste préliminaire des candidats retenus. Car il y a peu de chance de voir retenues les candidatures de l’ancien ministre Mondher Zenaidi, en exil volontaire en France, et de Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), incarcérée depuis le 3 octobre 2023 et condamnée à des peines de prison dans diverses affaires, dont une intentée contre elle par… la commission électorale.

D’illustres comparses

Parmi les autres candidats ayant déposé leurs dossiers de candidature figurent Kaïs Saïed, président sortant, Zouhair Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du Peuple, l’ancien ministre de l’Education Neji Jalloul, le journaliste et ancien député Safi Saïd, ou encore le célèbre cardiologue Dr Dhaker Lahidheb, pour ne citer que les plus connus, les autres étant d’illustres comparses qui, dans le meilleur des cas, auront un quart d’heure de gloire avant de retomber dans l’oubli.

La liste finale des candidats sera annoncée le 4 septembre prochain après la fin de la période des recours auprès du tribunal administratif que pourraient tenter les candidats recalés, et on peut parier que certains noms tomberont d’ici là pour une raison ou une autre, et là où nous en sommes aujourd’hui, toutes les raisons se valent.

Cependant, d’ici le 6 octobre prochain, il restera deux indicateurs importants de l’intérêt que cette présidentielle aura suscité auprès des Tunisiens : le poids et la crédibilité des candidats opposés au président sortant et le taux de participation qui, espérons-le, dépassera les 12% enregistrés lors des deux derniers scrutins en date : les législatives de 2022 et les locales de 2023.