Présidentielle tunisienne : un grand déséquilibre des forces

A moins d’une grosse surprise, d’un tsunami ou d’un tremblement de terre, on ne voit pas comment Zouhair Maghzaoui ou Ayachi Zammel, avec tout le respect qu’on leur doit, pourront-ils déloger l’actuel locataire du Palais de Carthage, si tant est qu’ils se donnent vraiment pour objectif de remporter la présidentielle du 6 octobre prochain. Ce dont on a de bonnes raisons de douter…  

Ridha Kefi

Sur les 17 candidatures présentées, pas toutes sérieuses et crédibles il est vrai, la commission électorale n’a finalement retenu que trois candidats pour la présidentielle du 6 octobre 2024, et qui sont, sans surprise : Kaïs Saïed, Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel.

Au-delà des explications données hier, samedi 10 août, par Farouk Bouasker, président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), et sans trop attendre des éventuels recours qui seront tentés par certains candidats recalés auprès du tribunal administratif, l’affiche n’offre pas, à première vue, la garantie d’un grand match, c’est-à-dire un match très disputé où le résultat pourrait basculer d’un côté ou d’un autre.

Question d’équilibre des forces

En effet, le président sortant, Kaïs Saïed, semble avoir toutes les cartes en main pour se succéder à lui-même sans faire trop d’effort pour cela, car il n’a pas en face de lui des personnalités de premier ordre capables de drainer les foules derrière leurs candidatures respectives. Encore heureux si l’un d’eux pourrait passer le cap du premier tour…

Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel sont certes des activistes politiques habitués aux joutes oratoires et aux débats publics, mais ils dirigent des petits partis et leurs noms n’ont presque jamais figuré dans les sondages d’opinion au top dix des personnalités politiques les plus populaires en Tunisie. C’était certes il y a quelque temps, lorsque les sondages d’opinion étaient encore réalisées et leurs résultats diffusés par les médias, car ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais on ne pense pas que l’équilibre des forces a beaucoup changé entretemps.

Par ailleurs, ceux et celles dont les noms figuraient il y a quelque temps dans le top dix des personnalités les plus populaires en Tunisie, à savoir Abir Moussi, Safi Saïed, Karim Gharbi alias K2Rhym et, à un degré moindre, Neji Jalloul, ont vu leurs candidatures rejetées pour diverses raisons.

Ces raisons sont, selon le président de la commission électorale, l’absence du nombre requis de parrainages, ou l’absence de caution financière exigée ou encore la non-éligibilité des conditions de nationalité et ce, en dépit de la notification de ces «manquements» aux personnes concernées dans les délais impartis.

Les décisions du conseil de l’Isie sont «saines» et le rejet des dossiers «était basé sur des fondements juridiques solides», et n’était pas fondé sur l’absence de l’extrait du casier judiciaire (bulletin n°3), contrairement aux informations relayées, a souligné Bousaker. On n’a aucune raison pour ne pas le croire, même si certains candidats recalés affirment, de leur côté, qu’ils ont été empêchés de concourir par une administration aux ordres qui ne leur a pas délivré les sésames requis pour cela.

Question de volonté aussi  

Cela dit, et en attendant l’annonce de la liste finale des candidats, au plus tard le 4 septembre, on peut parier qu’elle ne sera pas très différente de celle annoncée hier, et à moins d’une grosse surprise, d’un tsunami ou d’un tremblement de terre, on ne voit pas comment Zouhair Maghzaoui ou Ayachi Zammel, avec tout le respect qu’on leur doit, pourront-ils déloger l’actuel locataire du Palais de Carthage.

On voudrait bien, en tant que journalistes et analystes politiques, jouer le jeu de la neutralité qu’impose la circonstance, mais on ne peut tout de même pas tordre le coup à la réalité et à l’objectivité. Car, à moins d’être des naïfs ou des rêveurs invétérés, les deux candidats qui vont croiser le fer avec Saïed savent, au fond d’eux-mêmes, que leurs chances de succéder à ce dernier sont infimes. On peut d’ailleurs même douter de leur volonté d’y parvenir, tant ils n’ont cessé, jusque-là, d’exprimer leur soutien au président sortant, «soutien critique» certes, comme ils disent, mais soutien tout de même.

On attendra donc de voir leur comportement et leur discours lors de la campagne électorale pour juger du sérieux de leur candidature, tout en leur souhaitant bon vent et en espérant qu’ils feront déplacer les foules lors de leurs meetings électoraux, ne fut-ce que pour animer un tant soit peu une campagne qui ne s’annonce pas très chaude.