Femme en Tunisie : acquis immenses et défis à relever

En 68 ans depuis l’indépendance de la Tunisie, le 20 mars 1956, des acquis considérables ont été réalisés au profit  de la femme. Ces acquis sont dus à la volonté franche du leader Habib Bourguiba, à sa lucidité politique et à son esprit réformateur inspiré des valeurs et des idéaux égalitaires de la révolution française, qui lui avaient permis d’accomplir, quelques mois après la proclamation de l’indépendance du pays, une œuvre réellement révolutionnaire en son temps en faveur de la femme et de la société entière.

Raouf Chatty

En effet, Bourguiba avait fait adopter par l’Assemblée nationale constituante, le 13 août 1956, le Code du statut personnel. Ce texte juridique, qui a fortement amélioré la condition de la femme en Tunisie, était révolutionnaire dans le monde arabo-musulman pour l’époque et même pour aujourd’hui.

Progressiste et novatrice, cette loi voulue comme un outil puissant pour le changement avait du coup changé la situation de la femme, opérant lentement mais sûrement une amélioration de son statut marital et social, bousculant les traditions rétrogrades en la matière et faisant progressivement passer la femme du statut de vassal à celui de d’être humain autonome, libre de ses actes, jouant pleinement son rôle aux côtés de l’homme, devenant peu à peu sa partenaire (presque) égale en droit et participant pleinement au développement global du pays. 

En leader incontesté, lucide, visionnaire, fort de l’appui des masses populaires, de sa capacité extraordinaire à prendre rendez-vous avec l’histoire, Bourguiba avait agi très vite, surmontant  les résistances d’une société patriarcale, fermée, pauvre et attardée, et prenant  de court les oulémas de la mosquée Zitouna et les courants traditionnels, en faisant passer dans la foulée un texte juridique qui va profondément changer la société et que certains cercles dogmatiques n’ont jamais accepté encore aujourd’hui. Il avait alors un leadership politique incontesté et une autorité intellectuelle et morale qu’il sut utiliser de la meilleure des manières pour faire faire à la Tunisie un saut dans l’avenir. 

Un saut dans l’avenir

Cet acte fondateur a été immédiatement soutenu par une bonne partie de la société et par les actions d’ampleur des gouvernements qui se sont succédé notamment dans les domaines de l’éducation et de la santé, avec la généralisation de l’enseignement primaire et secondaire, les campagnes d’alphabétisation et de lutte contre le fanatisme et l’obscurantisme, les soins médicaux gracieux pour tous, la planification familiale dans tous les foyers, la lutte contre la pauvreté, parallèlement à l’ouverture du pays sur la modernité  et le progrès.

Ces actions extraordinaires ont donné des résultats positifs dans ces domaines impactant positivement l’évolution d’une société tunisienne ouverte aux lumières et aux progrès et qui s’affranchissait progressivement des ténèbres de l’ignorance dans lesquelles elle était confinée durant des siècles.

En sept décades, le statut de la femme a complètement changé, impactant  toute la société, faisant gagner à la Tunisie, déjà depuis les deux premières décades post 1960, la  bataille de contrôle des naissances, renforçant ainsi la marche de la société sur la voie du progrès social et du développement durable…

La femme en Tunisie est aujourd’hui ministre, parlementaire, ambassadeure, juge, professeure d’université, haut fonctionnaire, médecin, avocate, journaliste, entrepreneure, chercheure, écrivaine, ingénieure, pilote de ligne, pharmacienne, biologiste, enseignante, militante dans des partis politiques et dans les associations…

Fortes de leurs acquis, renforcés sous les gouvernements Ben Ali, la femme et la société civile féminine ont été, et ce grâce à l’appui de larges pans de la société, le principal rempart contre l’obscurantisme islamiste ayant marqué la décennie 2012-2021, réussissant ainsi à mettre en échec les tentatives répétées des islamistes au pouvoir pour remette en cause le statut de la femme et à enterrer ainsi à jamais leurs projets rétrogrades.

Les Tunisiennes ont également largement contribué par leur présence active dans tous les secteurs à marginaliser l’islam politique, qui avait le vent en poupe, et qui est actuellement  l’ombre de lui même, voire complètement décrié et vomi par l’écrasante majorité des Tunisiens. 

Toujours à l’avant-garde

La femme a certes gagné son autonomie et son indépendance, mais elle doit encore relever des défis auxquels elle fait face aujourd’hui beaucoup plus que l’homme, comme le chômage, l’explosion du célibat, la dissolution  des couples et d’autres phénomènes de plus en plus visibles, comme l’accroissement sans précédent du nombre de femmes divorcées, la condition précaire des femmes rurales et des ouvrières agricoles soumises à une nouvelle forme d’esclavage…

Ces sujets et d’autres doivent mériter l’attention des pouvoirs publics, de la société civile et des femmes en particulier qui seront toujours en Tunisie à l’avant-garde de toutes les causes nobles et les garantes d’une société équilibrée, ouverte et fidèle aux valeurs du progrès.

* Ancien ambassadeur.

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