On ne le voit plus. On ne l’entend plus. Il se fait presque oublier. Même après l’assassinat de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah qui a fait la guerre à ses côtés pendant une décennie pour le maintenir au pouvoir, on ne lui a pas entendu une réaction attristée ou un quelconque hommage. Il faut dire qu’il n’y a pas que les Iraniens qui jouent gros ces temps-ci, Al-Assad lui aussi est confronté à un choix décisif, soit rompre avec la république islamique soit risquer de perdre son trône qu’il occupe depuis 24 ans.
Imed Bahri
Ces derniers mois, les Israéliens ont bombardé à plusieurs reprises différentes régions syriennes ciblant des sites iraniens et maintenant un avertissement a été adressé à un pilier du régime syrien. Pas plus tard que dimanche 30 septembre, l’armée israélienne a bombardé une villa du jeune frère de Bachar, Maher, chef de la fameuse 4e division (une division d’élite de l’armée syrienne comptant 14 000 hommes), au Rif d’Idleb. Un message pour dire au régime syrien de s’abstenir de tout rôle dans l’actuelle guerre entre Israël et le Hezbollah sinon ça peut mal tourner.
Cette nuit également, en même temps que l’armée israélienne a commencé son invasion terrestre du Liban, l’aviation israélienne a bombardé à trois reprises Damas dont le quartier huppé de la Mezzeh.
Le général Amos Yadlin, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air israélienne et ancien directeur des renseignements militaires israéliens (Aman) a écrit un article publié sur le site Internet de la chaîne israélienne Keshet 12 revenant sur les événements actuels qui secouent le Moyen-Orient et il s’est intéressé au cas Bachar Al-Assad et à son avenir. Yadlin estime que dans le contexte de la rupture du cercle de feu iranien entourant Israël théorisé par Qassem Soleimani (ancien chef des Forces Al-Quds, unité d’élite des Gardiens de la révolution iraniens), il faut penser à frapper le régime d’Al-Assad qui représente le principal pont pour l’approvisionnement militaire et le développement du Hezbollah.
Il poursuit en des termes peu sympathiques à l’endroit du raïs syrien préconisant un recours accru à la force dès à présent: «Al-Assad doit choisir maintenant s’il veut continuer à être au service des Iraniens mettant ainsi sa survie en danger ou s’il doit changer de comportement et fermer les frontières syriennes aux Iraniens et aux opérations de contrebande d’armes iraniennes. Israël a également une facture à honorer avec les Houthis au Yémen et les milices en Irak.» La menace est on ne peut plus claire.
Que faire? Comment faire? Rompre avec l’Iran en refusant de servir de corridor pour l’armement du Hezbollah et ce n’est pas facile vu ce qu’il doit aux Iraniens. Sans eux et sans le Hezbollah, il ne serait plus au pouvoir. D’un autre côté, ignorer les avertissements israéliens pourrait être payé très cher par le raïs syrien surtout avec un pouvoir iranien très affaibli qui ne pourra pas le sauver cette fois-ci et surtout à l’heure où Benjamin Netanyahu est complètement déchaîné et qui ne va pas être pris de pitié pour Al-Assad. Alors «Et maintenant, que vais-je faire?», pourrait fredonner Bachar. Peut-être se retournerait-il vers son autre allié, l’oncle Vladimir mais ce dernier, lui-même allié de l’Iran, va-t-il voler à son secours, comme il l’avait fait il y a quelques années, lorsque son trône a vacillé sous ses pieds en pleine guerre contre les groupes islamistes armés ? Va-t-il voler également au secours de l’Iran, un allié encore plus précieux et qui se trouve lui aussi aujourd’hui dans une très mauvaise passe ? Ou va-t-il les lâcher tous les deux et concentrer ses forces sur la guerre l’opposant à l’Ukraine dont l’armée occupe une partie de son territoire?
Quoi qu’il en soit, on voit mal le Moscovite, alors que le Général Hiver approche, éparpiller ses forces sur des fronts secondaires où il n’a pas grand-chose à gagner…
Qui vivra verra. Pour le moment, la célèbre chanson de Gilbert Bécaud illustre le dilemme assadien, qu’il pourra d’ailleurs chanter en chœur avec ses protecteurs iraniens, au moment où Netanyahu est en train de redessiner la carte du Proche-Orient avec l’accord tacite – ou l’impuissant laisser-faire – de quelques monarques et raïs arabes.