Tunisie : Kaïs Saïed fait la leçon à «Oummek Sannefa»

Le communiqué de la présidence de la république publié mardi 21 juin 2022 à l’issue de la rencontre du président Kaïs Saïed, au palais de Carthage, avec le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du Fonds monétaire international (FMI), Jihad Azour, est un document précieux en ce qu’il contient tous les poncifs de la conception présidentielle de l’économie.

Par Imed Bahri

Sans surprise, il n’a jamais été vraiment question au cours de cette rencontre des réformes structurelles sur lesquelles, pourtant, le gouvernement de Mme Bouden s’est engagé dans le cadre des discussions en cours pour un nouveau prêt du FMI à la Tunisie d’un montant espéré de 4 milliards de dollars : une bagatelle pour un chef d’Etat qui ne fait pas la différence entre les millions et les milliards.

Il n’a pas été question non plus des dispositions prises par l’Etat tunisien, aujourd’hui entièrement et exclusivement incarné par la présidence de la république, pour la mise en œuvre de ces réformes nécessairement douloureuses et qui ont des coûts politiques, économiques et sociaux.

L’art de parler pour ne rien dire

Fidèle à son populisme habituel, où la parole tient souvent lieu d’action, si elle n’est pas en totale contradiction avec elle – le gouvernement agissant souvent a contrario de la parole présidentielle, sans que celui-ci ne lui en tienne rigueur –, le locataire du palais de Carthage y est allé de son speech redondant sur «la nécessité de prendre en compte la dimension sociale, lors de la mise en œuvre des grandes réformes», en rappelant à M. Azour et à ses collègues de l’institution de Bretton Woods, au cas où ils l’auraient oublié, que «les droits fondamentaux de l’homme incluent le droit à la santé et à l’éducation et ne sont pas soumis aux profits et aux pertes», comme indiqué par le communiqué de la présidence.

Le président de la république, qui résume sa politique économique dans ce qu’il appelle la lutte contre la corruption, estimant que la Tunisie est riche  mais qu’elle est pillée par une poignée de personnes sans scrupules, dont il n’a pu jusque-là identifier ni sanctionner aucune, M. Saïed a également exprimé son engagement à s’attaquer aux problèmes socio-économiques et financiers, dus selon lui à «des décennies de corruption en Tunisie et à la situation internationale».

«Une approche globale», dit-il…

«Les êtres humains ne sont pas de simples statistiques», a-t-il lancé à M. Azour, qui a dû avaler sa salive, lui dont le métier est, justement, d’analyser les statistiques qui en disent souvent plus long sur l’état d’une société que les logorrhées soporifiques de ses dirigeants.

M. Azour a dû avaler une seconde fois sa salive en s’entendant rappeler par son hôte la nécessité d’opter pour «une approche globale pour trouver des solutions à tous les problèmes et questions soulevés». Zut alors, comment n’y a-t-il pensé !

«La crise tunisienne n’est pas seulement due à une mauvaise gestion, mais elle est également le résultat d’autres facteurs qui doivent être traités et éliminés afin que toutes les institutions, publiques et privées, fonctionnent dans des conditions exemptes d’abus», a encore martelé M. Saïed, feignant d’oublier que cette mission n’incombe pas à son hôte – qui n’aimerait pas être accusé de s’immiscer dans les affaires d’un Etat souverain et qui ne cesse de le crier sur tous les toits –, mais qu’elle fait partie des propres prérogatives du président de la république et des attentes de ceux qui l’ont élu à la tête de l’Etat.

N’est-ce pas à M. Saïed et à sa pléthorique administration, aussi incompétente qu’inefficace, de faire le boulot… au lieu de continuer d’en appeler à la générosité des bailleurs de fonds, qu’il ne cesse d’attifer de tous les noms d’oiseaux : «Oummok sannafa» et autres.

M. Saïed sait-il au moins, ou ne lui a-t-on pas expliqué, que le FMI et les autres bailleurs de fonds ne sont pas des organisations caritatives ni des bienfaiteurs de l’humanité, et qu’en tant qu’instance financière multilatérale, elle est tenue, contrairement à certains Etats faillis qu’elle finance, par une obligation de résultat ?

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