(Ph. Festival de Carthage).
Pour l’avant-dernier concert du mois de juillet, la troupe de Gospel pour 100 voix s’est littéralement emparée du théâtre antique de Carthage. Un show complet et une énergie communicative.
Par Seif-Eddine Yahia
Pour l’un des derniers concerts du mois, le festival de Carthage proposait au public de redécouvrir le monde du gospel en compagnie de la troupe internationale Gospel pour 100 voix. L’occasion de redécouvrir que ce style musical était avant tout une expérience à vivre en prise directe avec des interprètes à la fois talentueux et habités.
La mère de toutes les musiques modernes
Au début du film de 1992 « Sister Act 2 » réalisé par Bill Duke, un des élèves de sœur Marie-Clarence, Frankey en l’occurrence, résumait de façon lapidaire certains des clichés généralement associés au gospel dans l’imaginaire collectif. Pour lui, ce n’était que des «ringards en toges chantant des chansons religieuses que personne n’écoute». Pendant tout le reste du film, au moyen de concerts exceptionnels et d’un sens inné de la pédagogie, la religieuse interprétée par Whoopi Goldberg s’attache à déconstruire tous ces clichés et à montrer à tous ces jeunes que le gospel est beaucoup plus proche des styles musicaux qu’ils affectionnent (New-jack, rap, RNB…).
Le gospel est effectivement la mère de toutes les musiques du XXe siècle venues d’Amérique du Nord.
Aux États-Unis, le gospel et le negro spiritual ont été les premiers moyens par lesquels les populations afro-américaines ont exprimé leur mal-être d’esclaves et leur rêve d’une vie meilleure. Le negro spiritual servait également de message codé permettant aux esclaves américains de communiquer entre eux sans se faire réprimander par leurs maîtres.
L’histoire confondue de ces deux styles de musique est très riche, et ces mouvements sont à l’origine de toutes les évolutions musicales ultérieures : le blues, le jazz, le rock, la soul, et plus proche de nous encore, le hip hop.
Cette parenté du gospel avec les musiques actuelles constituait un des axes centraux du spectacle proposé par Gospel pour 100 voix à Carthage. La troupe a intelligemment apporté des éléments issus de tous les styles pour proposer un show moderne et éclectique tout en gardant cette identité de style propre aux formations gospel.
50 personnes sur scène pour un show spectaculaire
Créée en 1998 à l’occasion des 150 ans de l’abolition de l’esclavage, la troupe Gospel pour 100 voix compte plus de 50 membres de 25 nationalités différentes. Ces chanteurs, musiciens et performers ont en commun l’amour de la musique et l’envie de transmettre un message d’amour et de foi au reste du monde.
La formation proposée à Carthage avait de quoi impressionner. Afin d’offrir un show complet, en plus de la quarantaine de choristes, le groupe ne comptait pas moins de 6 chanteurs solistes, 6 danseurs, et un groupe de musiciens comprenant un percussionniste, un batteur, un clavier, un bassiste et deux guitaristes afin de fournir, ce qu’on a coutume d’appeler un «show à l’américaine» devant un public venu en nombre.
(Ph. Festival international de Carthage).
Le premier morceau de ce concert de plus de deux heures a bénéficié d’une orchestration funk mettant en avant les synthétiseurs et les percussions autant que les danseurs venus dès le départ donner le ton à un concert rempli d’énergie.
Une soliste superstar nommée Jean Carpenter
Présent à tous les morceaux, le chœur de 40 chanteurs dirigé par Malik Young, a offert une prestation de haute volée, tant sur le plan des placements vocaux que sur celui des chorégraphies et du jeu de scène.
Au cours des deux heures de spectacle, les solistes se sont relayés pour accompagner cette immense chorale qui était la vraie star de la soirée tout en proposant des univers musicaux différents.
Parmi les différents solistes présents sur scène, il en est une qui a réussi à captiver toute la salle et à capter toute la lumière. Il s’agit de la chanteuse américaine Jean Carpenter, dont le jeu de scène, les performances habitées, dignes d’un James Brown au sommet de son art, et les interactions pleines d’humour ont séduit le public. Comme elle l’a dit elle-même, ce soir-là à Carthage, nous étions tous dans son église.
Jean Carpenter: soliste vedette de la troupe (Ph. Festival international de Carthage).
C’est notamment elle qui a expliqué au public le concept du groupe, ainsi que le programme de la soirée mélangeant le gospel, au rock, au jazz ou au rap dans une véritable explosion d‘amour.
La voix de Dominique Magloire, une autre soliste, a aussi créé un vent de frisson par sa pureté et sa puissance mais d’une manière générale tous les solistes ont été bons et ont offert une véritable complémentarité de styles lors de leurs différentes prestations.
Des classiques du gospel et du negro spiritual tels que « The battle of Jericho« , ou « Down by the riverside » ont été interprétés en medley. Cela a précédé une reprise d’« I’ve got my mind set on you » de Georges Harrison dans une version où les paroles ont été modifiées pour mettre en avant l’amour du Seigneur. L’importance de la prière, la foi en Dieu, ou l’amour du prochain ont été autant de sujets abordés dans les chansons proposées par la troupe.
Une partie du spectacle a également été interprétée en swahili avec une chorégraphie mettant en avant l’histoire douloureuse de l’esclavage ainsi que celle de l’émancipation des Afro-Américains. Un détour par la Nouvelle-Orléans a également été fait avec une reprise de « When the Saints go Marchin in« .
Avant le grand final, Jean Carpenter a interprété une chanson intitulée « Change » : une version moins funky que celle de Barry White, et moins engagée que celle de 2pac mais une chanson pleine d’émotion qui a fait un grand effet lors de ce concert.
Cette soirée ne pouvait se terminer autrement que par une reprise du titre de gospel le plus célèbre au monde, à savoir « Oh Happy Days« . L’interprétation de ce titre a permis à toute la troupe (solistes compris) de se retrouver sur scène au même moment afin de communier une dernière fois avec le public.
Ces deux heures et demi de concert sont passées à une allure folle en raison de la diversité des ambiances, de la qualité des morceaux et de la justesse vocale des choristes et des solistes. A l’image de Marie-Clarence dont nous parlions au début de cet article, la troupe, menée par Malik Young et Jean Carpenter, a permis au public de se laisser porter par une énergie incroyable et d’oublier tout ce qu’il savait ou pensait savoir sur le gospel avant de venir.
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