L’attribution, aujourd’hui, du prix Nobel de la Paix, au Quartet du dialogue national est une claque à la défunte Troïka.
Par Fathi B’Chir*
Une attribution lourde de signification. Surtout si on ne s’arrête pas au premier degré de lecture et si l’on n’y mêle pas les petites histoires de personnes comme la Tunisie en a malheureusement l’habitude.
Un fait citable et distingué
C’est un hommage exceptionnel au dernier grand fait méritoire de la révolution du 14 janvier 2011. Le fait citable et distingué.
Cela fait l’impasse sur les grandes évolutions comme les élections doubles, le choix pour la première fois d’un président élu pourtant sur un mandat dont on découvre maintenant l’envers, avec peine et agacement croissant.
Chaque jour qui passe dément la face brillante présentée au peuple avant les élections.
Cette attribution au Quartet laisse apparaître par contraste le passif d’une Troïka** qui s’était proposée comme l’acteur d’une Tunisie inédite mais façonnée à l’étranger et qui n’a fait qu’enfoncer le pays dans le chaos administratif, l’anxiété politique et qui a laissé croître, par son inaction, le germe mortel du terrorisme.
Le Quartet a eu et a le mérite d’avoir su, avec doigté et intelligence, endiguer l’envahissante vague d’incompétence avide de pouvoir et malintentionnée. D’avoir pu décourager des acteurs parfois téléguidés. Il a su ainsi préserver un consensus que le jeu trouble actuel tente de défaire.
C’est une gifle à claques multiples qui est donc donnée à une classe politique plus préoccupée de la qualité de ses fauteuils de décision et de l’entassement de privilèges que de la délivrance du pays du mal qui l’habite depuis l’indépendance et qui, paradoxalement, s’attribue le nom «constitution» («destour») quels qu’en soient les avatars.
Une gifle à claques multiples
C’est une gifle particulière à celui qui a récusé ce dialogue salutaire. L’agent trouble de forces occultes.
Une autre signification, valable en Tunisie comme ailleurs : le mode de gouvernement, la gestion d’une crise profonde aux conséquences pouvant être mortelle, n’est pas celui d’un homme providentiel, mais le produit d’un jeu équilibré au sein d’une institution informelle finalement plus représentative des voeux et des exigences de la population que ce qu’amène un «jeu démocratique» classique.
Peut être, en Tunisie comme ailleurs, pourrons-nous en tirer un enseignement salutaire et amorcer la réflexion sur les modes de pouvoir et de décision, comme le tentent ailleurs Syriza et Podemos. L’idéal serait d’imaginer un jour que l’on puisse jeter par-dessus bord rois et présidents se prétendant d’inspiration quasi divine et qui coûtent tous cher à nos pays.
Mabrouk aux quatre. Mabrouk à nous tous. Mabrouk à la démocratie!
* Journaliste tunisien basé à Bruxelles.
** L’ex-coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, qui a gouverné la Tunisie de janvier 2012 à janvier 2014.
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