Un avant-projet de constitution limitant l’hyper-présidence instituée par la constitution en vigueur depuis 2016 a été remis jeudi 7 mai 2020 pour «enrichissement» par la présidence de la république algérienne, à des partis, associations et personnalités indépendantes.
Par Hassen Zenati
Le texte a été élaboré par un comité d’experts d’une quinzaine de membres désigné par le président Abdelmadjid Tebboune en janvier dernier. Il est dirigé par un professeur de droit constitutionnel, Ahmed Laraba, qui est également membre du Comité de droit international de l’Onu, conseiller à la Cour internationale de Justice et expert en arbitrage international.
Le comité a reçu de larges prérogatives pour proposer des amendements à la constitution en vigueur depuis 2016, hormis ses dispositions relatives aux «constantes nationales». Notamment l’islam en tant que religion d’Etat, l’arabe comme unique langue nationale et officielle de l’Etat, le tamazight comme seconde langue nationale et officielle aux côtés de l’arabe, ainsi que le caractère républicain de l’Etat.
Lors du premier conseil des ministres qu’il a présidé après son élection le 12 décembre 2019, le président Tebboune avait fait part de son intention d’apporter de «profondes modifications à la constitution et de revoir le système de gouvernance».
Un chef de gouvernement remplacera le Premier ministre
Dans la mouture proposée, un chef de gouvernement de plein exercice remplacera le Premier ministre actuel, dont la fonction se limite à la coordination de l’équipe ministérielle nommée par le chef de l’Etat et qui lui rend directement compte. Le nouveau chef de gouvernement aura des pouvoirs plus étendus. Il pourra choisir ses ministres et doit présenter son programme aux deux chambres du parlement.
Le experts proposent de limiter le domaine des ordonnances, dont l’ancien président Abdelaziz Bouteflika avait abusé pour faire passer des projet de loi majeurs, en passant outre l’Assemblée nationale mise ainsi devant le fait accompli.
Le Conseil constitutionnel actuel sera remplacé, selon les amendements proposés par une Cour constitutionnelle, dont la composition sera entièrement refondue.
Une innovation majeure dans l’architecture de l’exécutif est proposée avec la création d’un poste de vice-président de la république, qui sera choisi et nommé par le chef de l’Etat. L’idée courait depuis plusieurs années. Elle est revenue à la surface avec force après la dégradation de l’état de santé du président déchu Abdelaziz Bouteflika, qui, en l’absence de vice-président, a dû de plus en plus s’appuyer sur l’administration présidentielle, sous l’égide de son frère Said Bouteflika, pour exercer ses pouvoirs.
Tous les membres du Sénat seront désormais élus
L’Algérie conservera son régime parlementaire bi-caméral, mais le Conseil de la Nation (Sénat) sera réformé pour que tous ses membres soient élus, selon l’avant-projet. Dans la constitution de 2016, un tiers des 144 membres du Sénat (le tiers présidentiel) sont désignés par le président de la république parmi des personnalités et compétences nationales dans les domaines scientifique, culturel, professionnel, économique et social.
D’autres amendements portent sur la protection et l’élargissement des libertés publiques, l’indépendance de la justice, la constitutionnalisation de l’Autorité indépendante d’organisation des élections, ainsi que la création d’une Autorité suprême pour la transparence, la prévention et la lutte contre la corruption.
S’agissant de l’armée, l’avant-projet propose d’autoriser l’armée nationale populaire (ANP) à participer dans des opérations de paix sous l’égide des Nations-Unies et de participer au rétablissement de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux avec les Etats concernés. Il s’agit là d’une rupture avec la doctrine militaire prévalant depuis l’indépendance du pays en 1962 et qui interdit formellement aux gouvernements d’engager des militaires algériens en dehors du territoire national. Cette doctrine a cependant subi deux exceptions, lorsque des détachements de l’ANP avaient été envoyés sur le canal de Suez en 1967 et en 1973 pour participer à la guerre contre Israël.
De cet avant-projet découlera un projet de constitution nouvelle qui sera présenté au débat devant le Parlement. Après son adoption par la représentation nationale, elle sera soumise à référendum, sans doute d’ici la fin de l’année.
Malgré la parenthèse de la pandémie, le président Tebboune semble décidé à respecter l’agenda politique qu’il fixé après son élection. La nouvelle constitution devait être promulguée à la fin de l’année, sinon au tout début de l’année prochaine. Elle doit être suivie d’élections législatives, départementales et locales qui permettront une totale rénovation de la représentation nationale.
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