La Tunisie, qui a besoin d’un important apport financier pour boucler son budget pour l’année en cours et relancer son économie en panne, et pas seulement à cause de la pandémie de Covid-19, a repris langue avec le Fonds monétaire international (FMI) pour solliciter un nouveau prêt de quelque 4 milliards de dollars. Et pour cela, elle doit savoir montrer patte blanche et prouver sa capacité à mettre en route les réformes douloureuses auxquelles elle est aujourd’hui acculée, dans un contexte pour le moins très défavorable.
Par Imed Bahri
Les autorités économiques et financières tunisiennes, représentées par Marouane El Abassi, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Samir Saied, ministre de l’Économie et de la Planification et Sihem Nemssia, ministre des Finances se sont en effet entretenus, jeudi 4 novembre 2021, à distance, avec une délégation du FMI, conduite par Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale (Mena).
Ont, également, pris part à cette réunion, Chris Geiregat, chef de la mission du FMI en Tunisie, Jérôme Vacher, représentant résidant du Fonds en Tunisie et Hossein Hosseini, administrateur de la Tunisie auprès du FMI.
Le difficile consensus sur les réformes
Selon un communiqué de la BCT, cette réunion qui s’inscrit dans le cadre de la poursuite des discussions techniques entre les services du FMI et les autorités tunisiennes a porté sur la revue de l’évolution économique et monétaire en Tunisie. Et, également, on l’imagine, sur les réformes économiques envisagées par les autorités tunisiennes et pouvant être soutenues par les partenaires internationaux et notamment le FMI suite à une requête officielle formulée cette semaine par la cheffe du gouvernement Najla Bouden, en poste depuis un mois, à la directrice générale du Fonds.
«La délégation tunisienne et celle représentant le FMI se sont accordées sur l’importance des orientations stratégiques arrêtées par le gouvernement tunisien qui seront traduites, en partie, au niveau de la LF2022, à même de donner un signal fort tant aux bailleurs de fonds qu’aux investisseurs tunisiens et étrangers», indique la BCT, qui ajoute dans son communiqué : «Dans ce sens, un consensus de tous les intervenants s’est dégagé autour de l’importance d’impliquer toutes les parties prenantes nationales dans la conduite de ces réformes.»
En fait, rien de nouveau sous le soleil de Tunis : la Tunisie, qui file du mauvais coton et traverse une très mauvaise passe sur les plans économique et financier, sollicite la communauté international pour solliciter de nouveaux emprunts, mais elle de plus en plus mal à convaincre ses bailleurs de fonds, et pour cause. Non seulement le pays est très endetté et sa machine économique grippée, ce qui se traduit par sa très mauvaise note souveraine (abaissée à Caa1 par Moody’s le 14 octobre dernier, la 9e dégradation en moins de 10 ans), mais les précédents gouvernements n’ont pas honoré leurs engagements antérieurs vis-à-vis de leurs bailleurs de fonds, en ne mettant pas en route les réformes sur lesquelles ils s’étaient engagés. Pis encore, l’instabilité politique dans le pays décourage les meilleures volontés.
Qui va s’engager sur quoi ?
Cependant, les autorités tunisiennes savent qu’elles peuvent compter sur l’indulgence et la compréhension de leurs partenaires internationaux qui ne peuvent abandonner au milieu du gué un pays avec lequel ils sont fortement engagés, mais elles doivent d’abord mettre de l’ordre dans la maison et créer un minimum de consensus sur les réformes douloureuses qu’elles comptent mettre en route afin que leurs futurs engagements soient un tant soit peu crédibles au regard de leurs prochains bailleurs de fonds, FMI en tête, l’instance financière internationale qui donne souvent le signal vert à la communauté financière internationale pour s’engager aux côtés des pays en difficulté.
Ce consensus sera d’autant plus difficile à obtenir que la situation économique et sociale dans le pays est difficile, que le pouvoir d’achat des citoyens a perdu près de 30% en 10 ans, que l’endettement extérieur approche le plafond critique de 100% du PIB, que les syndicats n’ont de cesse de remettre sur la table de nouvelles revendications d’augmentations salariales, que les réformes exigées par les bailleurs de fonds doivent comprendre – et cela se justifie amplement – une réduction des dépenses de l’État et une maîtrise de la masse salariale de la fonction publique, laquelle se caractérise par ses sureffectifs, son inefficacité et sa résistance à tout changement.
Bon courage, messieurs, et attachez bien vos ceintures…
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