Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), nous a fait un coup à la Zine El-Abidine Ben Ali, en tripatouillant le règlement intérieur de l’organisation syndicale pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats et s’éterniser à la tête de l’organisation… sans que personne, sur la scène politique, ne trouve rien à y redire. Ainsi va la démocratie tunisienne, de déroute en débandade.
Par Imed Bahri
C’est sans surprise, donc, que M. Taboubi s’est fait élire pour un nouveau mandat à la tête du bureau exécutif de l’UGTT, hier, vendredi 18 février 2022, à Sfax, au terme d’un congrès au cours duquel l’organisation syndicale s’est montrée plus divisée que jamais, alors que sa direction s’est déshonorée en affichant le peu de cas qu’elle fait des règles démocratiques.
Les régles démocratiques piétinées
Car non seulement M. Taboubi a montré qu’il est un digne héritier des dictateurs arabes qui s’éternisent au pouvoir, lui le nationaliste arabe qui vénère les Gamal Abdel Nasser, Saddam Hussein et autres Bachar El-Assad, mais il a réussi à entraîner dans son sillage d’autres membres de la direction syndicale, à l’instar de Sami Tahri, Samir Cheffi, Hfaiedh Hfaiedh, Anouar Ben Kaddour et autres Monem Amira, qui ont beaucoup perdu de leur crédibilité au regard de nombre de leurs collègues qui leur reprochent, à juste titre, d’avoir foulé à leurs pieds les traditions démocratiques d’une organisation qui sort très affaiblie de ce putsche. Et qui, à l’avenir, aura du mal d’invoquer les règles démocratiques qu’elle a elle-même bafouées, sans prêter à sourire.
Quoi qu’il en soit, l’UGTT d’après le congrès de Sfax ne sera pas celle d’avant ce conclave très critiqué et très contesté par une partie de la base syndicale. Quelque chose s’est en effet cassée et ce n’est sûrement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière qui a perdu une occasion de se montrer plus ferme sur les principes défendus par les pères fondateurs de l’organisation.
Le silence assourdissant de la classe politique
Ce qui mérite aussi d’être relevé, à ce propos, c’est le silence assourdissant de toute la classe politique tunisienne, pouvoir et opposition réunis, à propos des conditions pour le moins peu démocratiques dans lesquelles s’est déroulé le congrès de Sfax. En effet, aucun dirigeant politique n’a cru émettre la moindre réserve sur les abus commis par Noureddine Taboubi et sa smala.
Ce silence, on l’a compris, trahit beaucoup de lâcheté, d’opportunisme et de calcul politique de la part de ces chers «démocrates» qui redoutent les coups de griffe des dirigeants syndicaux et espèrent leur soutien dans leurs futurs combats politiques.
Ainsi va la démocratie en Tunisie, tout le monde en parle avec un trémolo dans la voix et la main sur le cœur, mais tout le monde aussi la bafoue volontiers à la première occasion qui se présente.
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