Depuis le décès du mufti de la république feu Othman Battikh, la Tunisie reste sans mufti et le président de la république, Kaïs Saïed, dont la fibre religieuse est de notoriété publique, n’a pas cru devoir nommer son successeur à ce poste. Ou pas encore… (Illustration : Kaïs Saïed récite la Fatiha sur la tombe de feu Battikh, le 25 octobre 2022, au cimetière El-Jellaz).
Par Meriem Bouchoucha *
La question qui se pose est de savoir si son altesse républicaine est finalement très profondément attaché à la liberté de conscience, et plus que quiconque de ses prédécesseurs, et compte abolir ce poste ou au contraire s’il ne veut plus d’un mufti au rôle protocolaire et voudrait le remplacer par une haute autorité religieuse qui aura la charge de l’interprétation de l’article 5 de «sa» constitution si attachée aux «maqasid al-charia».
Ne lui faisons cependant pas de procès d’intention : il est tellement occupé à réunir le conditions de réussite des très contestées législatives anticipées du 17 décembre prochain qu’il semble avoir la tête ailleurs, surtout qu’avec les problèmes économiques et sociaux, il a vraiment de quoi s’occuper.
Mais comme ce ne sont pas les diplômés en théologie qui manquent, dont certains ont poussé très loin leurs études et leurs recherches, il nous semble que pour le poste très convoité de mufti de la république, ce n’est pas la rareté des prétendants qui pose problème.
Et comme les nominations peuvent se faire d’un claquement de doigts, surtout depuis la proclamation de l’Etat d’exception, le 25 juillet 2021, par son altesse républicaine, qui détient aujourd’hui tous les pouvoirs et n’est redevable d’explication à aucune instance constitutionnelle, il est peut-être intéressant de s’interroger sur les raisons de ce retard, d’autant qu’il émane d’un conservateur qui, dans «sa» constitution promulguée par décret, a pris soins d’omette de souligner le caractère civil de l’Etat.
Qu’attend, donc, le président Saïed pour nommer un nouveau mufti de la république ? A moins qu’en bon calife, son altesse républicaine, qui aime accumuler les pouvoirs jusqu’à en être submergé, veuille aussi jouer le rôle d’une haute autorité religieuse et dicter lui-même aux citoyens, du haut son magistère moral, les règles de la foi, comme l’en soupçonnent certains de ses opposants.
Certes, beaucoup d’autres postes tout aussi importants, comme ceux de gouverneurs, d’ambassadeurs ou de consuls généraux, sont vacants depuis plusieurs mois, mais ont peut estimer que, par sa portée symbolique, celui de mufti de la république ne saurait le rester longtemps sans susciter ce genre d’interrogations.
* Docteure en économie.
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