«Des frais bancaires usuraires vampirisent les transferts d’argent des expatriés tunisiens», affirme l’économiste tunisien basé au Canada, Moktar Lamari, dans un article posté aujourd’hui, lundi 16 janvier 2023, sur son blog Economics For Tunisia, E4T.
Citant le rapport trimestriel de la Banque Mondiale portant sur les tarifs des transferts de fonds à l’échelle mondiale, l’économiste affirme que le coût moyen d’un envoi de fonds vers l’Afrique sur le 3e trimestre 2022 est de 8,46%, alors qu’en Tunisie, il dépasse les 10%.
Sans aller jusqu’à parler de «frais usuraires» et affirmer que «le système bancaire tunisien agit en cartel et pénalise fortement les transferts d’argent des expatriés tunisiens», on est en droit de s’interroger sur les raisons de ce 1,5 point de différence et s’il est vraiment justifié. D’autant que cela ne pénalise pas seulement les expatriés tunisiens mais également les banques tunisiennes elles-mêmes, qui voient une partie des transferts de devises s’échanger en espèces dans le réseau informel, via les amis et les proches.
Dans le procès qu’il fait aux banques tunisiennes dans le traitement qu’elles réservent aux expatriés tunisiens, Moktar Lamari, lui-même Tunisien résident à l’étranger, ne manque pas de griefs.
«Les frais de transferts par virement, tout comme les frais de retrait dans des guichets bancaires tunisiens, à partir de comptes étrangers, prennent plusieurs formes, pour se déployer de manière insidieuse, et parfois illégales», écrit-il, en expliquant que les banques tunisiennes utilisent plusieurs subterfuges pour optimiser leurs retenues à la source sur les transferts et retraits faits par les expatriés.
«Le premier subterfuge consiste à plafonner le retrait : 300 dinars à la fois, dans les guichets bancaires en Tunisie. Ce montant plafonné et retiré par les Tunisiens de l’étranger lors de leurs visites en Tunisie leur coûte presque 32 dinars en frais divers», écrit-il, en soulignant l’existence de frais visibles (12 dinars retenus au guichet bancaire tunisien et presque 15 dinars pour les frais interbancaires impliquant la banque tunisienne et la banque internationale) et de… frais invisibles agissant sur le taux de change utilisé.
«Les banques tunisiennes utilisent un taux de change 3% à 5% moins élevé que les taux officiels, annoncés par les sites des principaux centres de change. Cette différence va constituer une sorte ponction obligatoire, une rente discrétionnaire passée sous silence», explique Moktar Lamari, qui compare avec plusieurs pays de la région Mena, comme le Maroc, où ces frais totaux ne dépassent pas les 6,15%, contre une moyenne mondiale de l’ordre de 6,3%.
Pour corriger cette situation, l’économiste appelle les autorités monétaires tunisiennes à réduire ces frais et à les ramener à un maximum de 4%, «en utilisant des taux de change officiels, pas les taux à la convenance de la banque concernée», précise-il. Cela pourrait inciter les 1,7 million d’expatriés tunisiens à augmenter leurs transferts en devises et à éviter de les faire transiter par le secteur informel avec les risques que l’on imagine.
I. B.
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