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Université – Affaire Jalel Dallel : Un déni du droit

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Nouvelle réaction à propos de l’émission ‘‘Al-haqq maak’’ sur El-Hiwar Ettounsi, du 1er décembre 2016 sur L’injustice subie par l’universitaire Jalel Dallel.

Par Dr Farid Khiari *

Je lis par hasard sur votre site, que je suis régulièrement, une intervention d’un ancien enseignant de la Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse qui défend le non-droit en traitant cette émission – qui a évoqué équitablement, c’est rare, une injustice et une dérive du doyen – de «désinformation au service du buzz», et dire que c’est un professeur d’enseignement supérieur, fut-il à la retraite, qui colporte cette malveillance et cette escroquerie morale.

La dérive autoritaire et clientéliste d’un doyen

Au lieu de se dresser contre cette injustice que subit notre collègue, Dalel Jalel que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam, au lieu de dénoncer la dérive autoritaire et clientéliste de ce doyen, on n’en attend pas moins, c’est le contraire qui se produit et il déverse tout son venin contre les responsables de cette émission.

Jeudi soir dernier, le 1er décembre 2016, la télévision El-Hiwar Ettounsi a présenté dans l’émission ‘‘Al-haqq maak’’ ce qu’il est convenu désormais d’appeler «l’affaire Jalel Dallel» ou plutôt l’affaire «Moncef Ben Abdeljelil», du nom de l’actuel doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse.

L’émission a été vue par un nombre important de téléspectateurs, et journalistes et avocats ont fait leur travail honnêtement en donnant la parole à la victime, ce qui est logique, ensuite à ce doyen responsable de cette dérive. Tout le monde a vu que le débat était équilibré – même si on n’a pas beaucoup entendu cette avocate brillante qu’est Me Maya Ksouri – mais que les arguments de ce doyen étaient fallacieux et qu’ils ne pouvaient pas tenir devant les arguments de la raison et de la loi.

Rappelons succinctement les faits : M. Dallel, à l’époque enseignant au département de géographie de la Faculté des lettres et sciences humaines de Sfax, a présenté sa candidature pour un poste de maître assistant ouvert à la Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse. Il passa donc, comme le veut la loi, devant un jury national de recrutement, au sein duquel il y avait même un maître de conférences de ce même département de géographie de Sousse. Ce jury classa M. Dallel en tête de la liste des candidats et, comme le veut la loi, le ministre le nomma au sein de l’établissement choisi en tête des vœux du candidat. L’administration informa, par courrier du ministre, le président de l’Université de Sousse de la nomination de M. Dallel à la Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse et lui-même informa à son tour par courrier le doyen de cette faculté de la décision du ministre.

Petite baronnie, petit fief et petite coterie

Jusque-là il n’y a rien de plus banal dans la procédure. Les choses prirent une tournure soudaine lorsque le coordinateur du département de géographie refusa de donner un emploi du temps à M. Dallel, transformant le département en une petite baronnie, un petit fief, pour des raisons au jour d’aujourd’hui encore inavouables.

Le coordinateur, fort de l’appui d’une petite coterie, au service depuis trois ans de ce doyen clientéliste, s’obstina dans son refus de délivrer un emploi du temps à ce collègue qui a réussi son concours de recrutement en bonne et due forme. M. Dallel revint voir le doyen pour l’informer du comportement bizarre à tout le moins du coordinateur du département de géographie, qui se comporte comme si ce département était un bien privé, croyant, en toute bonne foi, que ce doyen allait régler rapidement cette question par un rappel strict de la loi à ce coordinateur ignorant les lois. Hélas, trois fois hélas, il s’aperçut que lui aussi était de cette dérive, lui dit que le département était «souverain» et qu’il n’y pouvait rien.

Drôle de souveraineté tout de même que celle qui refuse d’appliquer une nomination légale d’un universitaire à son poste, recruté par un jury national.

M. Dallel retourna voir le président de l’Université qui téléphona au doyen pensant régler rapidement le problème. Las ! Le doyen lui sortit le prétexte fallacieux : le département est souverain ! Pour refuser la nomination de M. Dalel Jalel, comme si le département, et en sous-main le doyen, décidait désormais qui pouvait venir enseigner à la Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse et qui n’y avait pas le droit, puisque ne faisant pas partie de la clique de ce doyen.

Un premier courrier fut envoyé à ce doyen et d’autres suivirent mais ce dernier refusa obstinément l’intégration de ce collègue recruté légalement au département de géographie, agissant comme s’il était dans ses appartements personnels.
M. Dallel s’adressa alors au ministère de l’époque – dont on ne se rappelle même plus du nom du fait de son incurie – qui ferma les yeux, de connivence probablement avec le doyen, ou, c’est plus proche de la vérité, par incompétence.

Devant cette injustice flagrante, M. Dallel, depuis maintenant plus de trois années, n’a eu de cesse de défendre son droit à occuper le poste de maître assistant au département de géographie de ladite Faculté. Il eut recours à la loi, le tribunal administratif, et ce dernier lui donna entièrement raison en sommant le doyen par un jugement de lui donner un emploi du temps.

Depuis, le doyen refuse et les deux avant-derniers ministres, qui n’eurent de ministres que le nom et les privilèges matériels bien évidemment, fuirent leurs responsabilités et, velléitaires comme nombre de ministres avant eux, refusèrent de faire appliquer la loi et de faire passer ce doyen et ce coordinateur devant le conseil de discipline pour que le droit soit respecté.

Entre-temps, pendant trois années, M. Dallel fut payé par les deniers publics sans pouvoir travailler et le doyen ne fut pas inquiété pour son comportement hors la loi. Le résultat de cette injustice est une AVC subie par M. Dallel, avec une déformation faciale handicapante. Cela n’a pas plus gêné cet universitaire féru de «justice» ni provoqué son indignation, pas plus du reste la carrière brisée de M. Dallel avant même qu’elle n’eut commencé.

L’inattendu est venu du nouveau ministre qui a surpris tout le monde en décidant de faire appliquer la loi et de faire intégrer par la force s’il le fallait M. Dallel à son poste d’enseignant-chercheur.

M. Dallel s’est adressé légitimement donc à la télévision El-Hiwar Ettounsi pour faire aboutir ses droits publiquement, espérant attirer ainsi l’attention du nouveau ministre sur ce cas de non-droit qu’il subit depuis plus de trois années. Que nous sommes loin de cette désinformation mais proches de la manipulation grossière par un enseignant qui n’est plus tout à fait au courant du cours de notre société.

L’information au service de la justice

Ce même enseignant à la retraite – qui s’effarouche que l’on «touche à son ami le doyen» – ne s’est pas insurgé – alors qu’il était encore en activité – lorsqu’il sut que ce même doyen fut accusé par ses pairs d’avoir maquillé – preuves à l’appui – les notes du Master en arabe, lorsqu’il permit encore à une étudiante en français de passer les examens chez elle, et, encore récemment, de couvrir probablement la falsification de notes d’examens de la session de juin 2016.

Ce n’est pas «la désinformation au service du buzz» qu’il fallait titrer cette émission qui a honoré jeudi 1er décembre ses auteurs mais, pour une fois, «l’information au service du droit et de la justice».

J’espère, comme beaucoup de mes collègues, qu’une suite judiciaire sera donnée à cette dérive illégale de ce doyen et de ce coordinateur du département, tous deux ont cru que le département de géographie était leur arrière-cour et qu’ils pouvaient y faire ce que bon leur semblait. Le droit et la légalité devront avoir le dernier mot, et non les propos colportés par un retraité grincheux dont on attendait qu’il se tint sans conditions aux côtés du droit et de la justice.

* Docteur en histoire de l’Université Paris 7 Denis Diderot, directeur de recherches, maître de conférences à la Faculté des lettres et sciences humaines de Sousse.

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