La morgue centrale de Sfax, ville du sud-est tunisien d’où partent de nombreux migrants depuis le début de l’année vers les côtes italiennes, regorge de corps de victimes de naufrages échoués sur la plage ou repêchés par les gardes maritimes et les pêcheurs.
Du 18 au 27 avril 2023, les garde-côtes tunisiens ont retrouvé 210 corps de migrants, victimes de plusieurs naufrages au large de Sfax, Kerkennah et Mahdia. C’est le tragique bilan présenté aux médias par le porte-parole de la Garde nationale, Houssemeddine Jebabli.
«Mardi, nous avons dénombré plus de 200 corps, bien au-delà de la capacité de l’hôpital Habib Bourguiba de Sfax, ce qui crée aussi un problème sanitaire», a déclaré Faouzi Masmoudi, porte-parole du tribunal de Sfax, la deuxième ville du pays avec près d’un million d’habitants. «On ne sait pas qui ils sont ni de quel naufrage ils sont issus et le nombre est en augmentation», a-t-il ajouté, précisant qu’«il y a des funérailles presque tous les jours» et qu’au moins 30 personnes ont été enterrées le seul 20 avril. Mais «lors de la fête musulmane de l’Aïd entre le 21 et le 23 avril, de nombreux corps ont été repêchés», a-t-il ajouté.
Les défunts sont enterrés après avoir subi une prise d’ADN et chaque corps a reçu un numéro pour faciliter leur identification éventuelle par les proches, a expliqué Masmoudi, évoquant d’importantes «difficultés» à trouver un lieu d’inhumation pour ces corps, tout en notant «des efforts concertés pour les enterrer dans les cimetières municipaux de Sfax».
«Depuis le début de l’année et au 24 avril, nous avons compté plus de 220 morts et disparus, pour la plupart originaires d’Afrique subsaharienne», a déclaré Romdhane Ben Amor de l’ONG Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Selon cette ONG spécialisée dans les questions de migration, «plus de 78% des départs ont eu lieu depuis les côtes de Sfax et de Mahdia».
Ben Amor a rappelé que les autorités locales s’étaient engagées l’an dernier «à créer un cimetière spécial pour les migrants, au motif qu’ils ne sont pas musulmans», mais que ce n’est pas encore prêt.
Le départ des migrants africains de Tunisie s’est intensifié après un discours virulent le 21 février du président Kaïs Saïed qui a condamné l’immigration clandestine comme une menace démographique pour son pays.
La Tunisie, dont certaines côtes sont à moins de 150 km de l’Italie, traverse une grave crise politique et économique qui pousse également de nombreux Tunisiens à tenter de rejoindre clandestinement l’Europe par la mer au péril de leur vie. Selon certaines études, un Tunisien sur deux pense s’expatrier pour améliorer sa situation matérielle. Et l’émigration, illégale ou non, des enfants est désormais financée par les parents, soucieux d’assurer un meilleur avenir pour leurs enfants.
I. B. (avec Ansamed).
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