Les Tunisiens vivent aujourd’hui dans l’attente d’obtenir un prêt de tel pays ou un don de tel autre. Nous retenons notre souffle en espérant l’approbation d’un financement par un fonds étranger, comme si nous n’avons pas d’autres moyens pour payer nos dépenses de fonctionnement, notamment les salaires de fonction publique, qui continuent de crever le plafond.
Par Hssan Briki
Le 20 juillet 2023, au Palais de la Kasbah, la ministre des Finances tunisienne, Sihem Nemsia, et son homologue saoudien, Mohamed Bin Abdullah Al-Jadaan, ont signé deux accords sous le regard de la cheffe du gouvernement Najla Bouden. Le premier porte sur un prêt de 400 millions de dollars et le second sur un don de 100 millions de dollars. Le ministre saoudien a également promis, lors de sa rencontre, le même jour, au palais de Carthage, avec le président Kaïs Saïed, des soutiens supplémentaires du Fonds saoudien de développement et d’autres institutions financières des pays du Golfe.
Une situation tragique
Indépendamment de ce que ce financement représente comme opportunités pour l’économie tunisienne, qui traverse une crise étouffante, et notamment pour le financement du budget de l’Etat, en attendant la finalisation de l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 1,9 milliard de dollars, qui a pris beaucoup de retard, il ne faut pas perdre de vue la portée tragique de notre situation actuelle. Pendant plus de deux ans, toute une nation ne discute que des chances d’obtenir des prêts extérieurs. Le pays donne même l’impression de se doper à la dette, comme s’il est incapable de produire lui-même les richesses nécessaires à la satisfaction de ses besoins vitaux.
C’est ainsi que depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui, nos réalisations se sont limitées à l’obtention de prêts et de dons. D’après un rapport publié par ilBoursa, durant la période entre 2011 et 2022, les caisses de l’Etat ont été renflouées de 65,4 milliards de dinars, répartis entre 61,8 milliards de dinars de crédits et 3,6 milliards de dinars de dons, en provenance de plusieurs bailleurs de fonds tel que l’Union européenne, les Etats-Unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Algérie, le FMI, la Berd, la BAD, et d’autres.
Obtenir des financements extérieurs pour relancer l’économie nationale est certes nécessaire, et la plupart des pays empruntent de l’argent pour se relancer. Cependant, il est crucial d’utiliser les prêts dans le cadre d’un plan global pour sortir définitivement le pays de la crise, plutôt que de les dépenser dans le paiement des salaires d’une administration aussi prolifique que souvent encombrante et inefficace.
Par ailleurs, tout le monde assume la responsabilité de la situation actuelle en fonction du degré d’autorité qu’il a détenu ou qu’il détient encore, mais nous devons prendre conscience que la simple obtention d’un prêt ne garantit pas la sortie de la crise et la relance économique. Il est essentiel aussi de réfléchir aux moyens de mieux utiliser l’argent des prêts obtenus pour améliorer la situation générale dans le pays et non pour les dilapider dans des dépenses de fonctionnement.
Pour un Etat comme pour un individu, un prêt investi dans un projet rentable peut mener à la prospérité, tandis qu’un prêt dilapidé dans la satisfaction de besoins quotidiens risque d’aggraver la crise de l’endettement : un cercle vicieux d’où ne sortent que les pays qui savent passer d’une économie portée par la consommation à une économie portée par l’investissement, la production et l’exportation.
S’accrocher à la chimère de l’annulation de la dette et de la récupération des fonds pillés, souvent agitée par le président de la république Kaïs Saïed, comme il vient de le faire, une nouvelle fois, dimanche 23 juillet, à la Conférence internationale sur le développement et la migration, à Rome, n’est pas la bonne méthode pour sortir de la crise. Elle ne saurait, en tout cas, nous épargner les efforts que nous devons faire sur nous-mêmes pour réduire nos dépenses et accroître notre productivité. Seul la volonté, le travail, la sueur et les sacrifices nous sortiront de la crise actuelle, tout le reste est de la littérature destinée à endormir son homme.
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