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Les intellectuels tunisiens mobilisés contre le terrorisme

Fadhel-Moussa

Les intellectuels doivent veiller à ce que la lutte contre le terrorisme en Tunisie soit efficace et ne porte pas atteinte aux droits et libertés.

Par Fadhel Moussa*

Le «Congrès des intellectuels contre le terrorisme», qui se tient, aujourd’hui, au Palais des Congrès, à Tunis, à partir de 17h00, a été initié par des universitaires,  des acteurs du monde de la culture et des arts et des activistes de la société civile. Il est ouvert à tous ceux qui souhaitent s’y joindre quels que soient leurs sensibilités ou le niveau de leur culture. Cette clarification entend mettre un terme au débat sur la définition des intellectuels…

Ce forum est ainsi ouvert à tous ceux qui veulent s’impliquer contre le terrorisme que les pouvoirs publics ne pourraient combattre seuls. Cette initiative aura incontestablement un impact car les intellectuels disposent d’un magistère d’influence qui doit être exploité dans ce combat.

Faire avorter le projet obscurantiste

Les intellectuels entendent dissiper cette image d’Epinal qui leur est souvent collée à tort faisant d’eux de simples agitateurs d’idées vivant dans une tour d’ivoire. Ils seront encore une fois sur le terrain comme lors du déclenchement de la révolution et du processus démocratique et lors du réajustement du processus constituant et de la remise des pendules à l’heure.

Les intellectuels entendent être à la pointe du combat pour faire avorter l’obscur projet de ceux qui se sont mis en dehors du cadre constitutionnel, de l’Etat de droit et qui œuvrent pour la disparition de l’Etat national républicain moderne et pour la destruction de l’expérience de transition démocratique encore en cours.

Les intellectuels entendent leur dire qu’ils ne passeront pas et défendront le droit de cette génération de vivre en paix et en sécurité et transmettre aux générations futures cet héritage avec une plus-value démocratique, de justice sociale, de progrès économique et scientifique.

Les intellectuels ont trouvé une nouvelle raison pour reprendre l’initiative et se mobiliser dans cette lutte contre une lente et sournoise stratégie de mise en échec de l’exemple tunisien qui est le rare à mériter encore le label de la plus belle saison de l’année: le printemps.

Il ne fait plus aujourd’hui de doute que la Tunisie est sérieusement menacée et que ce n’est pas jouer les cassandres en craignant la survenance d’une véritable guerre nous opposant à une armée de pseudos croyants n’ayant ni foi ni loi.

Ceux qui ne croient pas en ce possible scénario ne perdront rien en faisant le pari de Pascal. De grâce arrêtons l’amateurisme et l’espérance de la protection divine et des «ouliya wa salhine» (saints et marabouts) et préparons-nous sans paniquer à faire face à toutes les éventualités. La culture de la sécurité bien comprise et sans angoisse doit prévaloir c’est ce qui a manqué et qui a laissé la voie ouverte à la terreur et sa banalisation.

Coexistence possible entre sécurité et liberté

Ce congrès coïncide avec la promulgation de la fameuse loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent. Rappelons que le débat engagé à cette occasion a dénoté une regrettable confusion: une antinomie entre la sécurité et la liberté alors que la coexistence est possible voire nécessaire. Il y a tout simplement un compromis à trouver dans l’esprit de ce que prévoit l’article 49 de la constitution.

Mais les querelles se sont apaisées, la loi est passée et promulguée, aucun recours pour inconstitutionnalité n’a été déposé. On ne peut qu’être surpris qu’il n’y ait pas eu de recours après tous ces débats.

Le consensus politique semble avoir prévalu et la pression de l’opinion publique a probablement eu raison des récalcitrants. Mais ce n’est que partie remise, l’exception d’inconstitutionnalité reste ouverte pour des contrôles ultérieurs à l’occasion de procès où cette loi sera appliquée.

C’est là où les intellectuels doivent veiller à une bonne et correcte application de cette loi par la justice qui doit être efficace mais sans porter atteinte à l’essence des droits et des libertés garantis dans la constitution et dans les limites de la nécessité que demande un État civil démocratique avec le respect de la proportionnalité et de la nécessité.

Je souhaite conclure en rappelant que plusieurs des initiateurs de ce congrès ont fondé «l’initiative citoyenne» à l’aube de la révolution. Elle s’était alors fixée pour objectif la défense d’un projet de constitution pour des citoyens libres dans un Etat civil fondé sur la citoyenneté la volonté du peuple et la primauté de la loi, un Etat attaché à son identité culturelle et civilisationnelle arabe et musulmane mais ouverte sur le monde et fière de ses plus de 3.000 ans d’histoire. C’est fait.

Un nouvel objectif est fixé aujourd’hui par cette nouvelle initiative citoyenne : sauver cet Etat constitutionnel naissant et le prémunir d’une mortalité infantile que lui prédisent ceux qui ne croient pas en l’Etat de droit fondé sur la constitution et qui appellent à la violence. Ceux-là doivent être combattus arrêtés et traduits en justice. Ça reste à faire.

* Constituant, professeur à la faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis. Université de Carthage.

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