Les dirigeants nahdhaouis sont contraints, à leur corps défendant, de jouer le jeu de la démocratie, mais ils n’iront pas trop loin quand même.
Par Mohamed Sadok Lejri
D’aucuns se seraient laissés «attendrir» par la grosse farce organisée, il y a une semaine, lors de leur 10e congrès, par les enfants de Sidi Cheikh (Rached Ghannouchi, Ndlr) et voudraient croire en la bonne foi des hauts barons d’Ennahdha. Cette idée les rassure et ils semblent s’y complaire même. Je pense que ces gens-là, plutôt que d’affronter la dure réalité, préfèrent se cacher derrière leur petit doigt.
Simple ravalement de façade
Ennahdha s’est adonnée à des exercices rhétoriques pour faire croire à une éventuelle reconsidération de l’interférence (ou plutôt de la confusion, car, dans leur for intérieur, la confusion doit être de rigueur) entre le politique et le religieux.
Les apparatchiks d’Ennahdha ont commencé par mettre en quarantaine les leaders historiques les plus directs et sincères, tels qu’Ellouze et Chourou, et se sont par la suite adonnés à des exercices rhétoriques pour tenter de se présenter sous un nouveau jour et convaincre leurs interlocuteurs, notamment les étrangers, qu’ils sont capables de renoncer à l’islam politique. En réalité, ils obéissent aux diktats occidentaux et des pays du Golfe car, en ce moment, l’islamisme n’a pas le vent en poupe. En somme, les islamistes d’Ennahdha font le dos rond et attendent que la tempête passe.
Ménageant la chèvre et le chou, ils essayent aussi de convaincre les militants de base qu’ils n’ont pas renoncé à leur «projet originel» en multipliant les contorsions linguistiques : «Non, les enfants, il ne s’agit pas de séparer la politique de la religion, mais de se spécialiser… Oui, édifions une démocratie, mais une démocratie conforme à nos convictions religieuses» D’où le concept absurde de «démocratie musulmane». Cela veut dire grosso modo : «Nous sommes contraints, à notre corps défendant, de jouer le jeu de la démocratie, mais nous n’irons pas trop loin quand même ! Pas au point de ressembler à ceux qui n’ont de musulmans que le nom! Nous ferons semblant d’être démocrates, mais pas trop! Il y a des limites!»
L’islamisation à petites doses
Ne soyons pas dupes, l’application de la charia demeure l’objectif suprême des Nahdhaouis, mais les leaders de ce parti islamiste ont tout simplement changé de stratégie : ils ont décidé de ne plus affronter la société de manière frontale. L’islamisation de la société se fera d’une manière plus douce et pernicieuse; elle prendra le temps qu’il faudra et se fera en amont. Tout en détournant la vigilance des anticorps de la société tunisienne, l’islamisation sera injectée à petites doses. La réalité est ce qu’elle est et ce n’est pas en rédigeant de belles phrases et en prononçant de belles paroles qu’on l’enjolivera. Alors, prudence de Sioux…
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