14 Juin 2016 | 14:49 A LA UNE, POLITIQUE, Tunisie
Habib Essid et Béji Caïd Essebsi: de la friture sur la ligne.
Après avoir fait naître l’espoir chez les Tunisiens, Béji Caïd Essebsi (BCE) serait-il en train de le briser, à l’insu de son plein gré.
Par Salah El-Gharbi
A Carthage, le ballet des «consultations» autour de l’initiative du chef de l’Etat pour la constitution d’un gouvernement d’union nationale se poursuit activement. Et les hommes politiques de tous bords, qui vont à la rencontre du président de la république, BCE, vont, chacun, de son propre diagnostic et des remèdes qui iraient avec.
Le départ d’Essid n’est pas la solution
L’attente est grande. Hormis l’actuel chef de gouvernement, qui a du mal à dissimuler son amertume et qui refuse d’offrir sa démission sur un plateau, les leaders des différentes formations politiques profitent de cette opportunité pour gagner en visibilité, renforcer leur position (Ennahdha), sortir de l’isolement dans lequel ils se sont confinés (le Front populaire) sans pour autant que tout ce monde soit intimement convaincu que le départ d’Essid puisse sauver le pays du marasme socio-économique dans lequel il patauge. Pour tous, l’initiative présidentielle ne serait en fait qu’un simple coup de poker voire un jeu de dupes.
Certes, en soi, l’exécutif, incarné par Habib Essid, reste déficient et n’est plus à la hauteur des défis qu’un pays comme le nôtre se devait de relever, un pays qui souffre aussi bien de la brumeuse gestion de la période Ben Ali, que de la gabegie de la période post-«révolution», dans un contexte international difficile.
Toutefois, et même si ce constat que tout le monde partage serait probant, le procès qu’on fait à l’actuel chef de gouvernement demeure trop sévère, voire injuste.
Ainsi, certains se demandent si, en focalisant toute l’attention sur Essid, BCE ne se mettait à l’abri de toute critique à l’égard de sa gestion de crise de Nidaa Tounes, laquelle continue à peser lourdement sur la vie politique du pays. Autrement dit, en sacrifiant Essid, que fait BCE sinon chercher à nous faire oublier les carences de sa propre politique? Ce n’est pas en changeant de fusible qu’on se prémunit contre la possibilité de se retrouver dans l’obscurité.
Ainsi, faute de faire le bon diagnostic, le président risquerait d’accentuer encore la crise au lieu de la résoudre. D’une part, une fois le nouveau chef de gouvernement choisi, cela va certainement créer des frustrations parmi les prétendants à ce poste, mais aussi parmi les formations, qui, en dehors de l’actuelle coalition gouvernementale (Nidaa, Ennahdha, UPL et Afek), attendent d’y participer. D’autre part, il donne l’occasion à Ennahdha de monnayer au prix fort son adhésion à la prochaine équipe gouvernementale. Déjà, son président, le cheikh Rached Ghannouchi, ne cesse de prévenir : «Nous devons avoir une place qui correspond à notre poids au sein de l’Assemblée», en l’occurrence, avoir un nombre conséquent de portefeuilles ministériels.
Depuis le début du quinquennat, Essid et BCE se sont partagés les rôles : le premier aux affaires courantes, le second chargé des manœuvres complexes qui exigent de l’habileté politique (le dossier libyen pour les affaires étrangères, et surtout gérer la relation avec Ennahdha et l’UGTT…)
Si le président a réussi dans certains dossiers, il a échoué à raisonner Houcine Abassi, le secrétaire général de la centrale syndicale. Aussi, et malgré l’opération de séduction et la stratégie de l’évitement adoptée avec les dirigeants syndicaux, il n’a pas réussi à infléchir l’action de l’UGTT ou à obtenir une trêve sociale. D’ailleurs, pour beaucoup, l’initiative de créer un gouvernement d’union nationale ne serait qu’une manœuvre de plus visant à neutraliser l’UGTT en la faisant participer aux affaires de l’Etat, une condition nécessaire pour la mise en route des réformes nécessaires au pays.
Or, en misant uniquement sur son charisme et son autorité pour raisonner l’UGTT, BCE ne fait-il pas fausse route ? La direction de l’UGTT dans sa globalité n’est-elle pas prisonnière de certains impératifs idéologiques et tactiques qui l’obligent à durcir sa ligne de conduite?
Un président impuissant face aux manœuvres de son fils
En fait, BCE, aussi avisé soit-il, serait le premier responsable de l’échec du gouvernement. C’est lui qui a toujours manqué de lucidité en se montrant incapable de prévenir la crise de Nidaa, de la contenir, de la résoudre d’une manière durable et sur des bases solides avant que la plaie ne soit infectée et gangrénée. Est-ce de l’aveuglement? Est-ce de l’arrogance? Et si c’était, plutôt, de l’impuissance face aux menées «putschistes» de son propre fils, Hafedh Caïd Essebsi, qui voulait, coûte-que-coûte, prendre les rênes de Nidaa Tounes?
Alors que le pays souffre, le fils chéri gagne du terrain, se débarrassant de ses rivaux, les uns après les autres. Désormais, il jouit du «prestige» dont il aurait toujours rêvé, celui d’apparaître, dans les JT à côté des «puissants», cherchant à singer son papa, en compagnie des Sofiene Toubel, Ons Hattab et autres Abdelaziz Kotti, incarnation même de la médiocratie et de l’opportunisme. Derrière son sourire narquois, faussement débonnaire, il apparaît comme la «personnalité» la plus emblématique de la période, une période marquée par la fatuité, la nullité et les coups bas. Tout ça pour ça !
Le père peut encore se targuer d’avoir les faveurs de l’opinion et se réjouir que Nidaa, mené par son «dauphin», puisse encore, paraît-il, compter dans les sondages. Mais, le président, qui donne parfois l’impression de se contenter d’occuper la «place de Bourguiba», doit aussi savoir pertinemment que les enjeux de la bataille d’aujourd’hui et celle de demain sont importants, qu’il est en train de compromettre les chances de ce pays, celles de le voir emprunter réellement la voie de la modernité et qu’après avoir fait naître l’espoir, il serait en train de le briser, probablement, à son insu.
A l’insu de son plein gré ? Voilà que même Salah El Gharbi sacrifie à cette expression qui fait fureur depuis quelques mois, sortie d’on ne sait quel esprit dérangé, et qui ne signifie strictement rien ! Notamment en l’occurrence : comment peut-on dire que tout ce que fait BCE, il le ferait « à l’insu de son plein gré » ? Dédoublement de la personnalité, une face ne sachant pas ce que fait l’autre ? Une face nommée BCE, et l’autre HCE, en quelque sorte ? De toutes les façons, cette expression est à bannir, car vide de tout sens !!
Modérateur de Kapitalis: Cela veut dire qu’avec BCE, la main droite ignore ce que fait la main gauche. Ou qu’il laisse faire en sous-main ce qu’il refuse d’admettre en public. Comme quand il déclare en public qu’il n’a pas d’héritier et laisse son rejeton faire main basse sur Nidaa. C’est très fin certes, mais M. Lahyani est un homme intelligent, capable de saisir cette ironie. Là, il nous déçoit beaucoup.
BCE OTAGE DE SON FILS ?
Ce qui est certain, c’est que le père et le fils sont bel et bien les marionnettes de Ghannouchi !
ABSOLUMENT….Et nous nous en lisons de jour en jour . BCE à toujours rêvé de porter la robe de chambre de feu Bourguiba, loin de lui l’idée de sortir la Tunisie du marasme qui restera un point noir dans l’Histoire de ce pays . C’est une marionnette de Ghannouchi . IL EST URGENT QUE LES CHOSES CHANGENT parce que la Tunisie se dirige vers une guerre civile meurtrière .
Il faut faire péter. Enhada
« A l’insu de son plein gré »
Expression loufoque inventé par les « guignol de l’info » pour e moquer du sportif Richard Virinque, qui aurait été dopé à l’insu de son plein grès.
Bref, une expression délibérément maladroite qui vise à faire rire.
Béji Caïd Essebsi et le jeu de dupes 15/616
Je partage votre analyse et la conclusion par laquelle vous avez terminé votre article. Je ne suis pas sûr que BCE lui-même ni ceux qui, dans les sondages, continuent à soutenir Nidaa sont conscients du mal fait à ce parti, suite à l’ascension vertigineuse de HCE pour en devenir le n° 1. Mais pas seulement. Si ce dernier est arrivé au poste dont il rêvait c’est parce que ses coéquipiers s’étaient laissés faire, par opportunisme, par démission, par couardise, par lâcheté. Autrement dit ils en assumaient eux aussi une certaine responsabilité et vis à vis d’une bonne partie de l’opinion ils ont perdu toute crédibilité, dilapidé tout le capital de sympathie qu’ils avaient auprès des « nidaïstes ». C’est pourquoi il me semble que ce parti est fini et le jour venu, il lui sera difficile de renaître de ses cendres. Alors quoi? le vol en éclat de tous nos rêves avec tout simplement le retour d’Ennahdha aux affaires mais cette fois-ci pour y rester … sans partage!
BCE a ouvert la boîte de Pandore,les uns et les autres vont en profiter pour une redistribution des porte-feuilles, sur la base de la représentativité à l’ARP, or rien ne garantit que cette représentativité traduit le paysage politique actuel qui a bien changé. La raison invoquée pour le changement de gouvernement, déclamée de tout bord est le blocage économique du pays et son endettement excessifs ….la solution miracle est de « déboulonner » Essid. Il est vrai qu’il a donné sa caution à des ministres qui ont exercé leur pouvoir dans une direction menant droit vers l’échec ….ce qui rend la sortie d’Essid sans des objectifs clairs, avec les mesures claires et impératives qu’il faut pour stimuler l’investissement et l’emploi, ce serait une manœuvre inutile et même dangereuse du risque d’aggraver encore plus le manque de confiance dans l’état. Je pense qu’Essid fort de son indépendance partisane, fera oeuvre salutaire de prendre une initiative de changement partiel de ministre qui ce sont distingués par des échecs retentissants…..et je ne vois pas dans la classe politique qui lui reprochera cette initiative, sans qu’il ne se mette en contradiction avec la confiance qui lui a été accordé pour former son premier gouvernement. Ces réajustement sont urgents, avants que le pays ne s’enlise dans une double crise économique et politique, parce que certains semblent y pousser dans l’espoir de mieux s’ancrer dans le paysage politique en sachant parfaitement que le pays court vers la misère ….mais leur fatalisme leur fait paraître superflu un tel risque. Et les chiffres sont cruels à part le dégringolade du dinar, la baisse des exportations, il y a 3% de moins dans l’indice de consommation trimestrielle ce qui veut dire que le tunisien est plus pauvre, n’achète plus et se trouve de moins en moins opérateur dans la relance de l’économie du pays.