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A propos du limogeage de Neji jalloul : Le fond et la forme

Neji Jalloul a eu raison de mettre le doigt sur les plaies du système éducatif, mais il a eu tort de bousculer la baraque sans avoir au préalable assuré ses arrières.

Par Ali Noureddine *

Ali NoureddineChez Neji Jalloul, ministre de l’Education limogé dimanche 30 avril 2017, il y a eu le fond et la forme.

Le fond : il a osé s’attaquer à certains privilèges considérés comme acquis, même s’ils ne sont pas le fait de l’ensemble des enseignants : je pense, en premier lieu, aux cours particuliers. Il a voulu, selon l’expression de Claude Allègre, «dégraisser le mammouth de l’éducation nationale», mais sans pour autant séparer le bon grain de l’ivraie.

Le doigt sur les plaies

Il a eu mille fois raisons de fustiger le laisser aller, l’état de délabrement dans lequel se trouvent certains établissements primaires. Il a mis le doigt sur les plaies du système éducatif, sur la baisse vertigineuse du niveau des élèves, sur l’impérieuse nécessité de renouer avec la crédibilité des diplômes tunisiens.

Après Mahmoud Messadi, aucun autre ministre de l’Education (excepté peut-être Mohamed Charfi) n’a ouvert un tel chantier et ne s’est attaqué à autant de problèmes à la fois. Il n’a pas fait dans la nuance. Porté au pinacle par les uns, voué aux gémonies par les autres, il est devenu l’homme à abattre par les syndicats de l’enseignement primaire et secondaire.

La forme : à mon avis, il a eu tort de bousculer la baraque sans avoir au préalable assuré ses arrières. Il a engagé une réforme de l’enseignement hâtive comme si l’on pouvait corriger les défauts de plusieurs décennies d’improvisation et de décisions malheureuses en quelques mois.

Il a bouleversé le système des vacances scolaires, ce qui était une mesure parfaitement inutile.

Bousculer la baraque

Conforté par sa popularité grandissante auprès de l’opinion publique – que confirmaient les sondages – victime d’un franc-parler qui n’est pas toujours le bienvenu en politique, il a eu des propos déplacés et blessants. En fait, il a eu le tort de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.

Nous, enseignants, savons de quoi il retourne. Année après année, nous avons assisté, désabusés et impuissants, au déclin lent et continu de l’enseignement. Nous formions des étudiants, en sachant qu’ils allaient à leur tour former les générations futures, mais sans que nous soyons pour autant convaincus qu’ils pourraient assurer convenablement leur tâche.

Neji Jalloul a joué gros; certes il n’est pas dénué d’ambitions politiques et espère, dans un avenir plus ou moins proche, jouer un rôle de premier plan. Ayant fait figure de ministre le plus dynamique, le plus courageux d’une équipe gouvernementale morne et sans relief, il sait qu’il a l’avenir devant lui.

Peut-on dire autant d’un Youssef Chahed, ci-devant chef de gouvernement, mais pour combien de temps encore, qui a cédé en limogeant son ministre de l’Education nationale, comme il a cédé devant les revendications nombreuses des foules en colère. Une colère légitime, que personne ne conteste, mais dont il reste encore à prouver qu’elle n’a pas été entretenue par des forces obscurantistes dont l’objectif premier est de déstabiliser le pays…

* Historien universitaire.

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