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Liberté de conscience et monopole du cœur

Au-delà de la stigmatisation du juge de Bizerte qui a condamné 4 jeunes irrespectueux du jeûne de ramadan, quid du respect des droits fondamentaux en Tunisie ?

Par Assâad Jomâa *

La condamnation de 4 jeunes à un mois d’emprisonnement, pour cause «officieuse» de non-respect du code déontologique de jeûneur-modèle, a provoqué un émoi bien compréhensible.

Pareil jugement aurait été inimaginable voici quelques années, voire même quelques décennies. Pire encore, il est en totale contradiction avec l’esprit et le texte même de la Constitution fraîchement promulguée.

Dysfonctionnement de l’appareil judiciaire ? Avatars politiques ? Parti-pris idéologique aussi incongru qu’anachronique ?

Peut-être un peu de tout cela, mais surtout manquement à certaines exigences de la culture des droits de l’homme. L’occasion (manquée?) pour les Tunisiens de réaliser que le respect des droits de l’homme ne saurait être garanti par une disposition légale, par une volonté politique ou par un quelconque rapport de forces. Le respect des droits de l’homme est une culture. Ou bien cette culture est ancrée dans une société, et à ce moment-là il n’est nul besoin d’avoir une couverture juridique pour garantir pareil respect ou bien cette culture est tributaire de certains textes juridiques parachutés sur une réalité déniant tout droit à l’homme, et, dans ces conditions toutes les dispositions légales seront, en l’occurrence, caduques.

Dans la mesure où la société ne respecte pas le droit du jeune à un système scolaire performant (plus de 100.000 élèves quittent l’école avant d’avoir parfait leur cursus scolaire) à un emploi lui assurant sa dignité (plus de 650.000 chômeurs dont 250.000 diplômés de l’enseignement supérieur) à l’intégrité physique (violences de tous genres, exploitation physique, sous-alimentation, errance, petite et grande délinquances en progression vertigineuse…).

Si tous ces droits fondamentaux ne sont pas respectés, quels impacts tangibles aurait la stigmatisation du verdict prononcé par l’honorable juge de Bizerte à l’encontre de quatre jeunes ayant cru au sacro-saint principe de liberté de conscience, resté, sous nos cieux, lettre morte confinée dans une relique vouée à la bénédiction républicaine.

Non, Monsieur Giscard d’Estaing, «la gauche n’a pas le monopole du cœur», mais l’outrancier égo-individualisme l’a encore moins.

* Universitaire.

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