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Pour le rétablissement des relations diplomatiques avec la Syrie

Si elle veut retrouver son âme et redorer son blason, la diplomatie tunisienne doit rétablir au plus vite les relations diplomatiques de la Tunisie avec la Syrie.

Par Farhat Othman *

Il est un principe cardinal de la diplomatie tunisienne, violé par le gouvernement de la «troïka», l’ancienne coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha (janvier 2012-janvier 2014), et qui tarde encore à être de nouveau honoré : le non-alignement de la Tunisie sur les intérêts heurtant sa sacro-sainte équidistance entre les égoïsmes des États, ces montres froids sans coeur ni éthique.

Or, l’occasion se présente ces jours au parlement et il est donc impératif que la décision politique hautement stratégique y soit enfin prise afin d’effacer l’impair diplomatique (pour le moins) ayant amené, en février 2012, à la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie. Un projet de résolution en ce sens doit être examiné au parlement et il ne doit être ni rejeté ni reporté; l’honneur de la Tunisie éternelle en dépend et non seulement celui de sa diplomatie.

Des Tunisiens manifestent à Tunis pour le rétablissement des relations diplomatiques tuniso-syriennes. 

Une rupture démagogique avec la Syrie

Rappelons-nous ! C’était dans l’euphorie de la révolution tunisienne qui, comme on le sait, a embrasé certains endroits du monde arabe. Comme en Tunisie, ce fut, au nom des droits et des libertés des peuples arabes brimés; mais ce fut aussi au service d’une stratégie au long cours de l’Occident.

Ayant changé son fusil d’épaule, l’Occident avait décidé de se débarrasser de certains de ses amis dictateurs de la veille pour mieux servir ses intérêts présents. Parmi ceux-ci, en Syrie, se débarrasser du régime en place. Il a lors tout fait pour y arriver, obtenant que la Tunisie rompe ses relations avec la dictature en Syrie et y encourage même l’envoi — ou ferme les yeux à tout le moins — de jeunes voulant tenter l’aventure du coup de feu, et ce au nom d’un jihad qui flirte avec le terrorisme.

Certes, le régime tunisien en place — notamment son président d’alors, le tonitruant Moncef Marzouki, supposé militant des droits de l’Homme et qui s’est révélé n’être que serviteur de son ambition dévorante du pouvoir… et de l’émirat du Qatar — a prétexté rompre avec une dictature, impératif catégorique de la Tunisie en tant qu’ancienne dictature. Mais alors, que ne l’a-t-il fait aussi avec d’autres dictatures, surtout parmi celles qui encouragent le terrorisme, avec lesquelles il a toujours des rapports diplomatiques?

Bien mieux, pourquoi avoir violé de manière aussi éhontée tous les fondamentaux de la diplomatie traditionnelle tunisienne, allant jusqu’à se mettre aux premiers rangs de la croisade occidentale en Syrie. Quel intérêt y avait-il donc pour la Tunisie et les Tunisiens surtout devenus les plus nombreux jihadistes en Syrie?

Assurément, ce fut surtout un viol en grande pompe de ses valeurs ancestrales et de sa tradition diplomatique, jamais aussi caricaturée qu’en ces temps de confusion totale des valeurs des gouvernements de la «troïka».

La « troïka » a rompu les relations diplomatiques avec Damas et envoyé des jihadistes tunisiens en Syrie.

La donne internationale a changé

Aujourd’hui, l’Occident réalise que sa stratégie en Syrie a échoué lamentablement, les jeunes qu’il encourageait à y servir ses intérêts de courte vue s’étant révélés des terroristes qui se retournent contre ses propres intérêts, sur son sol même. Et il est temps aussi pour la Tunisie de se réveiller de ses erreurs lamentables.

Le président français Macron, un nouvel esprit qui promet pour le bassin méditerranéen, a osé récemment le mot juste : si le président syrien est un ennemi, il ne l’est que de son peuple. Une telle formule est valable pour la Tunisie, les peuples arabes ne manquant pas d’ennemis au pouvoir.

Aussi, plus que jamais, la diplomatie tunisienne doit retrouver son éthique au moment même où le monde arabe se déchire encore plus entre les intérêts divergents bien plus au service de ses ennemis que de ses peuples, où l’islam est devenu un label terroriste. Surtout, elle doit être en mesure de dire le vrai et de l’incarner en appelant les uns les autres à la raison.

Cela nécessite bien plus que de juste rappeler des valeurs et des principes, avec lesquels elle a certes renoué depuis peu; cela suppose des actes qui soient concrets et courageux. La diplomatie tunisienne doit enfin oser se mettre en phase avec la donne nouvelle dans le monde et en finir avec l’anomalie mortelle actuelle de l’inexistence de relations diplomatiques avec la Syrie.

Au-delà des contingences politiques, notre pays doit de renouer au plus vite avec son non-alignement idéologique classique en renouant avec la Syrie, surtout qu’il existe entre les peuples des deux pays tellement de liens depuis la nuit des temps.

C’est de voix de raison que manque le plus le monde et le monde arabo-musulman encore plus cruellement. Cette voix, la Tunisie a su souvent l’incarner et, plus que jamais, aujourd’hui, elle doit renouer avec cette vocation. Que la Tunisie rétablisse aujourd’hui ses relations diplomatiques avec la Syrie !

* Ancien diplomate.

 

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