Accueil » Bloc-notes : Pour un «Espace ouvert» entre la Tunisie et l’Union européenne

Bloc-notes : Pour un «Espace ouvert» entre la Tunisie et l’Union européenne

Ouvrir le ciel entre la Tunisie et l’Union européenne (UE), c’est bien; mais c’est mieux de l’intégrer en un «Espace ouvert» de libre circulation (marchandises, services et humains).

Par Farhat Othman *

On annonce la finalisation prochaine de l’accord «Ciel ouvert» (Open Sky) entre la Tunisie et l’UE. Or, comme l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca), pour n’être plus un accord léonin, doit de se transformer en Alecca par l’intégration de la libre circulation humaine, l’accord «Open Sky» est appelé, avant sa future conclusion, à être débaptisé en «Espace Ouvert» (Open Space).

Cela le serait en l’intégrant (ou en y intégrant) l’accord Aleca par trop controversé afin d’en faire un accord plus équilibré, ne se limitant plus à la libre circulation des marchandises et des services au détriment de leurs créateurs et destinataires que sont les humains, mais l’y ouvrant. C’est à la fois une question de droit et de logique que d’éthique.

Du «Ciel ouvert» à l’«Espace Ouvert»

Dans une déclaration récente à un site de voyagiste britannique, la ministre du Tourisme et de l’Artisanat a révélé que l’accord «Open Sky» (Ciel Ouvert) avec l’UE, ouvrant l’espace aérien tunisien au trafic européen, est sur le point d’être finalisé d’ici la fin de l’année.

Nous ne pensons pas que cela se fera à une aussi proche échéance. Même si un tel accord n’est pas exclu d’intérêt pour la Tunisie, devant donner un coup de fouet au trafic aérien, notamment en attirant au pays les transporteurs à bas coûts, les fameuses compagnies low-cost, il ne saurait l’être dans l’immédiat, nécessitant un moratoire de cinq ans pour le moins en faveur du principal aéroport du pays, Carthage, et ce pour la mise à niveau de la flotte tunisienne, particulièrement la compagnie nationale Tunisair. Ce qui est encore loin d’être acquis auprès de l’UE.

Et si c’est, du côté tunisien, le seul bémol à cet accord pouvant en retarder la conclusion, il en est un autre, cette fois-ci du côté européen, tenant à la situation occasionnée par le retrait de la Grande-Bretagne de l’UE.

D’ailleurs, Mme Elloumi-Rekik l’a bien mentionné, même si elle en a relativisé l’impact sur une conclusion qu’elle continue de croire possible avant la fin de l’année en cours. Or, eu égard à l’imbroglio actuel du Brexit, il est improbable que l’on arrive à définir l’espace européen pour l’application de l’accord avant la fin de l’année; d’où un attentisme manifeste du côté du partenaire européen.

Une autre raison pourrait venir s’ajouter à ces deux difficultés et que constituerait l’hypothèse digne d’intérêt de fusion de l’accord dans celui dit Aleca qui est par trop controversé du fait qu’il n’entend libéraliser que les services au détriment de la Tunisie. Tel qu’il est conçu actuellement, cet accord défavorable pour notre pays y suscite légitime opposition et vive polémique. Aussi est-il nécessaire, à tout le moins, d’y voir intégrer la libre circulation humaine en le débaptisant en Alecca, y ajoutant la circulation au libre échange, afin d’être effectivement complet et approfondi ainsi qu’il se prétend.

Dans une tentative de sortir de l’impasse où se retrouve Aleca et la tentation de l’imposer par la force, eu égard aussi à la proximité des deux accords, il serait judicieux pour la partie tunisienne de proposer le passage à Alecca et son intégration dans l’accord «Open Sky», en faisant un accord-cadre baptisé «Open Space».

Voilà ce qui serait de nature à faire bouger les choses permettant la sortie de l’imbroglio actuel causé par le peu d’intérêt des deux côtés, bien qu’il soit devenu légitime et incontournable, à l’impérative nécessité de l’ouverture de la Tunisie à l’UE qui se doit d’être intégrale, nullement limitée aux marchandises et services. Ce qui augurerait bien d’une adhésion future de la Tunisie à l’UE, devenue inévitable au vu de la dépendance formelle actuelle allant en s’aggravant en un monde plus que jamais interdépendant.

Le visa de circulation contre la clandestinité

C’est bien la libre circulation humaine qui pourrait compenser les périls qu’emporte Aleca dans sa mouture actuelle. Or, la situation anachronique de négation du droit des humains à circuler librement ne saurait continuer. Et ce d’autant plus qu’il existe un outil fiable qu’il suffit de généraliser pour en faire la règle des mouvements humains entre la Tunisie et l’UE : le visa biométrique de circulation.

Respectueux des réquisits sécuritaires, tout en étant une juste compensation du relevé illégal au vu du droit international des empreintes digitales des Tunisiens par des autorités étrangères, ce type de visa existant déjà sera généralisé et gratuitement délivré pour une période minimale d’un an à tout Tunisien le sollicitant. Il sera renouvelable automatiquement sauf, bien évidemment, un improbable dépassement du séjour autorisé de trois mois continus ou une infraction aux lois relatives à un séjour paisible.

Voilà ce qui viendrait renforcer, mais du côté tunisien cette fois-ci en multipliant le trafic de nos ressortissants, les visées de l’accord Open Sky de renforcement du trafic des voyageurs vers la Tunisie. On voit bien nos jeunes et moins jeunes dépenser des sommes faramineuses pour tenter une périlleuse aventure en boat people; pourquoi donc ne serait-ce pas en voyageant tout à fait légalement, circulant tous les trois mois, dans les deux sens, sous visa biométrique ? Avec un tel outil fiable, ce sera la fin de l’immigration clandestine et ses drames, outre surtout celle de la contrebande qui s’y attache et des réseaux mafieux prospérant depuis la fermeture des frontières.

Pour que cela soit enfin possible, une démarche officielle de la part de la diplomatie tunisienne s’impose; or, elle s’en retient, se cantonnant dans une diplomatie de convenance. Pourtant, c’est plus que jamais possible dans le cadre de l’attention soutenue de l’UE au devenir des relations avec la Tunisie et qui bute, à tort, sur la fausse question migratoire.

Rappelons, à ce sujet, que l’Europe entend avoir gain de cause sur la question de la réadmission de tout immigré passant par le territoire tunisien, outre la possibilité d’user d’un laissez-passer européen pour le rapatrier. Or, il ne s’agit que d’une fausse question, reflétant juste des aspects du passé, relevant d’un ordre mondial obsolète, devenu un désordre qu’il importe de changer. En effet, il n’est plus d’immigration, mais juste une expatriation contrariée. Et combien même elle est la marque de ces temps (ainsi l’Europe l’applique-t-elle avec l’espace Schengen et les divers programmes de mobilité pour les jeunes, comme Erasmus), on la contrarie sans raison; le système du visa biométrique de circulation remédierait à cet état déraisonnable des choses, devenu même criminogène.

Il est temps que la Tunisie le demande et que l’Europe en vérifie la validité auprès d’une communauté réduite tant en nombre qu’en problèmes. C’est d’autant plus urgent que lignes de fractures et signes de radicalisation se multiplient, rendant la communauté de moins en moins paisible. Une dérive que contribuera à enrayer la libre circulation en Méditerranée.

* Ancien diplomate, écrivain.

Tunisie-UE: L’accord Open skies finalisé avant la fin de l’année

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!