Les raisons du départ inattendu de Ghazi Jeribi, ministre de la Justice du gouvernement d’union nationale, a soulevé plusieurs interrogations. Et les explications de ce limogeage sont d’ailleurs multiples. Kapitalis présente ici des informations intéressantes.
Par Emna Ben Abdallah
Quelques jours avant la célébration de la Fête de la république, le 25 juillet 2018, M. Jeribi a refusé de mettre le nom de Mustapha Khedher, ancien militaire proche des dirigeants du mouvement islamiste Ennahdha, sur la liste des prisonniers susceptibles de bénéficier de la grâce présidentielle. Cité dans les enquêtes judiciaires menées sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ce dernier purge, depuis 2014, une peine de 8 ans de prison dans une autre affaire.
Le vendredi 28 septembre, le porte-parole du gouvernement, Iyed Dahmani, et Hédi Mekni, nommé dans le dernier remaniement ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, ont essayé de convaincre le ministre de la Justice de prolonger de six mois la mission du magistrat Hédi Kediri. Sorti récemment à la retraite, l’ex-premier président de la Cour de cassation est connu pour être proche de Noureddine Bhiri, député d’Ennahdha et ancien ministre de la Justice.
Selon MM. Dahmani et Mekni, le gouvernement d’union nationale a besoin du soutien du parti de Rached Ghannouchi. Or, Ghazi Jeribi a catégoriquement refusé de répondre positivement à la demande des deux hommes.
Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a tenté, lui aussi, lors d’une rencontre à Dar Dhiafa, à Carthage, de convaincre M. Jeribi de prolonger la mission du magistrat Kediri, mais le ministre est resté ferme sur sa position. Cette mesure de ne pas prolonger aux cadres de l’Etat sortant à la retraite, décidée par le gouvernement, ne permettait pas, selon lui, des exceptions.
Si la mission de Hédi Kediri étaient prolongée de six mois, ce dernier pourrait rester dans ses fonctions pendant cinq années et demi, après l’âge du départ à la retraite, a estimé le ministre de la Justice. Et ce serait un privilège indu et difficile à justifier.
En ce qui concerne de la polémique autour du prolongement du mandat de l’Instance vérité et dignité (IVD), présidée par Sihem Bensedrine, et de la réouverture de l’affaire d’Ahmed Friaâ, ancien ministre sous Ben Ali, Ghazi Jeribi avait expliqué dans une déclaration aux médias, il y a quelques semaines, que «l’État s’engage à mettre en application le système de la justice transitionnelle dans tous les domaines et dans les délais prescrits par la législation qui s’y rapporte. Dans ce contexte, l’évocation de la non-rétroactivité des lois, de l’existence d’une amnistie ou d’une grâce antérieure, de l’autorité de la chose jugée ou de la prescription du délit ou de la peine, n’est pas recevable», ajoutant : «Celui qui a été jugé une fois peut être rejugé une nouvelle fois». C’est la loi votée par l’Assemblée qui le veut, et pas le ministre, qui, dans cette affaire, a seulement rappelé cette loi et souligné la nécessité de la faire appliquer.
Jeribi : La justice transitionnelle permet de revenir sur la chose jugée
Un homme de l’ombre d’Ennahdha impliqué dans les affaires Belaid et Brahmi
Remaniement : Liste des nouveaux membres du gouvernement Chahed
Donnez votre avis