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Les Tunisiens et le changement climatique ou l’apprentissage par le choc

Au regard de l’ampleur des dégâts que les récentes inondations ont occasionné aux villes et aux infrastructures par le double effet de l’indiscipline des gens et de la corruption des entrepreneurs, les Tunisiens donnent l’impression de ne pas prêter attention aux alertes données, en amont, par les climatologues.

Par Khémaies Krimi

Pire encore, ils semblent ne se rendre compte de la gravité de leur insouciance que le jour de la survenue de la catastrophe. C’est ce qu’on appelle l’apprentissage par le choc.

Ainsi, les éventuels impacts du réchauffement climatique sur la Tunisie étaient vulgarisés et rendus publics depuis une dizaine d’années. Seulement, l’administration tunisienne n’a pas daigné se démener pour arrêter des stratégies cohérentes pour les prévenir et en atténuer la gravité.

Il est temps de prêter attention aux avertissements  des experts

Parmi les experts qui n’ont cessé d’attirer l’attention sur la dangerosité du réchauffement climatique figure en bonne place l’experte en gestion des ressources en eaux, Raoudha Gafrej, qui a rappelé, à maintes reprises, que «la Tunisie, petit pays méditerranéen aux 1300 kms de côtes, est sérieusement exposée aux impacts du dérèglement climatique, pour peu que les températures augmentent de 1,1% degrés C d’ici 2030». Plus simplement, pour elle, «si rien n’est fait d’ici là, le climat qui prévaut actuellement à Gabès (sud-est de la Tunis) sera le même qu’à Tunis (nord-est)». « Concrètement, ajoute-t-elle, l’impact du réchauffement climatique sera perceptible à travers une baisse de 28% des ressources en eau en 2030, une diminution de 50% des eaux de surface, une diminution du PIB agricole de 22,5% et, non des moindres, une réduction de la production agricole de 52%, en raison de l’intensité et de la succession des années de sécheresse.»

Mme Gafrej avertit également : «Les impacts des changements climatiques se feront sentir également à travers l’augmentation de la salinité des sols, la surexploitation des terres et des pâturages, la baisse de la fertilité des terres, ce qui générerait des risques sur les exportations et mènerait à un « forçage » économique sur l’agriculture».

Les conséquences en seront, on l’imagine, très graves. «C’est l’agriculture, secteur stratégique en Tunisie, qui payera la facture la plus chère si rien n’est fait pour s’adapter à ce phénomène et atténuer son impact à travers des actions à court, moyen et long terme», avertit la spécialiste.

Gérer le hasard des aléas climatiques

Un autre expert tiré également la sonnette d’alarme sur ce réchauffement climatique. Il s’agit de l’éminent hydrologue, Ameur Horchani, ancien secrétaire d’Etat chargé des Ressources hydrauliques. Ce dernier ne s’est pas contenté du diagnostic, il a proposé des solutions pragmatiques pour contenir un tant soit peu la colère de la nature.
Invité au début de cette année par le Cercle Kheireddine à intervenir dans le cadre d’un séminaire sur les nouveaux défis de l’eau en Tunisie, le père des barrages en Tunisie a indiqué que l’accent doit être mis, dorénavant, sur une gestion intégrée de ce qu’il appelle «le hasard des aléas climatiques» (inondations et sécheresses) par «une bonne maîtrise des données de la météorologie».

Concrètement, il s’agit d’une course contre la montre consistant à stocker au maximum les eaux des crues (construction de barrages de rétention) et de les économiser au maximum lors des périodes sécheresse.

Pour renforcer et diversifier les ressources disponibles, il propose, à la faveur d’application de normes strictes, le recyclage des eaux usées dans l’agriculture, la recharge artificielle des nappes souterraines et la mise en place d’une stratégie d’économie d’eau et de lutte contre le gaspillage.

Un tsunami en Méditerranée, qui l’eut cru ?

Par ailleurs, les Tunisiens toutes catégories confondues, ont intérêt à être l’écoute d’experts étrangers.

À titre indicatif, des chercheurs allemands et italiens ont révélé, le 10 octobre 2018, dans une étude publiée dans la revue ‘‘Science Advances’’, que l’Etna, en Italie, le volcan le plus actif d’Europe, risque de provoquer un tsunami en Méditerranée en raison de son enfoncement de plusieurs centimètres par an dans la mer. Pour le moment cet enfoncement est signalé à l’est, c’est-à-dire dans la mer Ionienne.

«Si une partie du volcan venait à s’effondrer, il y aurait suffisamment de matière pour provoquer un tsunami dans tout l’est de la Méditerranée», prévient le volcanologue et physicien français Mathieu Gouhier, interrogé par ‘‘Le Monde’’ sur cette étude.

C’est pour dire que le climat ne sera plus comme avant et qu’il y a urgence à se préparer aux effets néfastes de son changement et, surtout, à les prévenir et, faute de mieux, à s’y adapter. «La chance (de survie dans ce cas) ne sourit qu’aux esprits bien préparés», disait Louis Pasteur, philosophe et chimiste français.

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