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Ong : Conflits sociaux et politiques et transition non-achevée en Tunisie 

Dans le communiqué reproduit ci-dessous, et qui a été publié le 25 décembre 2018, une douzaine d’Ong tunisiennes et internationales estiment que le décalage entre la jeunesse et les élites politiques au pouvoir rappelle les événements de 2010 qui ont conduit à la chute du régime de Ben Ali.

Parmi les Ong signataires du communiqué, on citera la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH), l’Association des femmes tunisiennes pour la recherche sur le développement (Afturd), Avocats sans frontières (ASF), l’Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT), le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Al Bawsala, No Peace Without Justice…

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Comme chaque fin d’année depuis la Révolution, le conflit social et politique qui divise citoyens tunisiens et Etat refait surface et prend la forme de protestations populaires dans plusieurs régions du pays. Cette année en particulier, l’immolation du journaliste kasserinois Abderrazek Zorgui, le 24 décembre, la détérioration du pouvoir d’achat de la population et des services publics et le décalage entre la jeunesse et les élites politiques au pouvoir rappellent douloureusement les événements de 2010 qui ont conduit à la chute du régime de Ben Ali. C’est le signe incontestable de plaies du passé qui, faute d’avoir été soignées, risquent, fort probablement de provoquer une grave hémorragie dans le pays.

Malheureusement, les plus hautes autorités de l’Etat refusent de reconnaître le lien étroit entre le processus de la justice transitionnelle et les conflits sociaux et politiques qui touchent le pays. Elles poursuivent, depuis 2014, leurs campagnes contre le processus de la justice transitionnelle en discréditant l’Instance Vérité et Dignité (IVD), et en affichant une attitude hostile à son égard et à l’égard de milliers de victimes des violations graves commises entre 1955 et 2013 y compris les martyrs et les blessés de la Révolution.

La transition démocratique de la Tunisie est en effet fortement tributaire du parachèvement avec succès de tous les objectifs de la justice transitionnelle, sans exception aucune : la révélation de la vérité, l’identification des responsabilités relatives aux graves violations des droits humains et la lutte contre l’impunité, la réhabilitation des victimes, la présentation au nom de l’Etat des excuses aux victimes et la mise en œuvre des garanties de non-répétition à travers les réformes institutionnelles qui seront recommandées par l’IVD.

Or, au moment où l’IVD s’apprête à clôturer ses travaux et son mandat par la publication de son rapport final, engageant à la fois le gouvernement et le parlement à piloter la suite du processus, le chef du gouvernement a tenu lors de son interview télévisée en date du 21 décembre 2018 des propos graves en ce qui concerne le processus de la justice transitionnelle et son avenir.

Confirmant le parti-pris de son gouvernement vis-à-vis du processus de la justice transitionnelle, M. Youssef Chahed, lors de cette interview, a choisi d’émettre un avis défavorable sur le travail de l’IVD avant même que son rapport ne lui soit remis. Son gouvernement a brillé par son absence à la conférence de clôture des travaux de l’IVD organisée les 14 et 15 décembre 2018.

À l’exception du pouvoir judiciaire représenté par le président du Conseil supérieur de la magistrature, aucune autorité n’a daigné être présente à ce rendez-vous historique durant lequel l’IVD a présenté ses résultats préliminaires.

Plus grave encore, le chef du gouvernement s’ingérant dans les affaires du pouvoir judiciaire a déploré expressément la poursuite des procès devant les chambres spécialisées, et a annoncé la soumission prochaine d’un projet de loi organisant le déroulement de la justice transitionnelle sans donner des détails sur le contenu de ce projet de loi ni de ses objectifs.

Tout en déplorant ces propos, les organisations de la société civile signataires de ce communiqué souhaitent réaffirmer leur soutien et leur attachement au processus de justice transitionnelle dans toutes ses composantes, tel que prévu expressément dans la loi n°53 –2013 portant l’organisation de la justice transitionnelle dans son intégralité.

L’année 2019 sera marquée par les élections législatives et l’élection présidentielle dont les résultats redéfiniront les équilibres politiques des prochaines années. Il s’agit là d’une occasion imminente que la société civile saisira pour remettre au cœur du débat politique la nécessité d’atteindre les objectifs de la justice transitionnelle, qui sont aussi ceux de la Révolution et garants de la réussite de la transition démocratique.

Nous appelons tous les acteurs politiques, qu’ils soient représentés ou non au sein de l’ARP, d’exprimer leur attachement à la Constitution qui a expressément mentionné l’engagement de l’Etat à respecter et faciliter le processus de la justice transitionnelle.

Source : communiqué.

 

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