16 Jan 2019 | 8:53 A LA UNE, POLITIQUE, Tunisie
Photo d’archives.
Une réunion de la dernière chance se tient, ce matin, mercredi 16 janvier 2019, à Carthage, entre le chef du gouvernement, Youssef Chahed, et le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi. Objectif: éviter la grève générale de la fonction publique prévue demain.
Par Imed Bahri
Toutes les réunions de négociations sur la hausse des salaires des employés de la fonction publique, y compris celle d’hier, ayant toutes échoué à aboutir à un accord, du fait de l’intransigeance des dirigeants syndicalistes et de leur rejet de toutes les propositions faites par le gouvernement, dont la marge de manœuvre financière est on ne peut plus étroite, du fait de la grave crise des finances publiques, M. Taboubi s’est trouvé dans une situation fortement compromise et pour ainsi le dos au mur.
Ayant poussé très haut la barre des négociations et attisé les passions de ses troupes, M. Taboubi se trouve aujourd’hui dans une impasse: il cherche à éviter la grève générale des fonctionnaires sans pour autant perdre totalement la face et apparaître comme un mauvais chef ayant entraîné ses troupes dans une situation sans issue.
Le patron de la centrale syndicale louvoie et cherche encore une sortie de crise, d’autant qu’il a été, entre-temps, et du fait de ses excès de langage, lâché par le président de la république, Béji Caïd Essebsi, qui l’avait jusque-là soutenu.
L’homme est tenu d’accepter l’offre gouvernementale, en espérant la bonifier lors de négociations à venir, sinon il perdrait la face et se verrait doubler, bientôt, par certains des autres dirigeants de l’UGTT, dont un certain Lassaad Yacoubi, qui piaffent d’impatience de prendre sa place.
La situation actuelle dans le pays, marquée par une grave crise socio-économique, ne saurait supporter une nouvelle explosion sociale dont l’UGTT serait à la fois l’instigatrice et la principale victime, car elle perdrait ainsi toute crédibilité et toute légitimité aux yeux de la majorité des Tunisiens, y compris parmi ses troupes.
On comprend dès lors qu’aujourd’hui c’est M. Taboubi qui a besoin de M. Chahed, le seul à pouvoir aujourd’hui le sauver lui et son organisation, qui est au bord de l’implosion du fait de l’intransigeance suicidaire de ses dirigeants.
Chahed doit annoncer clairement au peuple tunisien quelles sont les dernières propositions d’augmentations qui ont été mises sur la table et qui ont été refusées par l’U.G.T.T. et demander à tous les fonctionnaires (y compris ceux du Ministère de l’Intérieur et de la Défense), en organisant un vote à bulletin secret sur les lieux de travail, de se prononcer démocratiquement pour valider ou contester cette proposition qui, sommes toutes, concerne l’ensemble des contribuables tunisiens et à fortiori l’ensemble de la nation.
On verra alors si le syndicat accepte la règle démocratique et à qui le résultat du vote donnera raison.
Il est grand temps que l’on passe à la démocratie directe dans notre pays, ne serait-ce que pour les question importantes concernant notre économie, notre politique sociale et des questions de souveraineté nationale. Au moins que le téléphone portable serve à quelque chose d’utile et surtout à autre chose que papoter ou colporter des ragots…
Les jeunes ne veulent plus vivre dans ce pays. Deux jeunes en voiture ont été braqués sur la route de gammarth par 2 voyous qui les ont tabassés avec des barres de fer, tout se passe devant le district de la police. Un fois entré au district, un voyou se trouve qu’il est ami avec le chef de la police qui a intimidé les agressés pour ne pas déposer une plainte sinon il transforme l’incident en bagarre entre jeunes et les met tous en prison. Les jeunes ont abandonné mais quel souvenir gardent t-il de ce pays devenu un enfer pour eux.
Article à sens unique
Cet article vient dans le même sillage des médias français, qui par ces pratiques, ont abouti à la cassure du Contrat Social en France suite à la marginalisation et même à l’élimination des organisations syndicales qui jouaient un rôle fort modérateur. Aujourd’hui la cassure a poussé le peuple français à s’organiser tout seul pour se révolter contre la dictature des banques et des grands groupes prédateurs qui n’ont rien laissé pour la majorité du peuple français et qui ont détruit la classe moyenne.
Ce même système néolibéral prédateur a semé l’injustice et les inégalités dans le monde entier. Il commence à être battu en brèche par plusieurs pays y compris dans les pays riches. Trois des plus grands économistes du FMI ont dénoncé dans une lettre ouverte publiée en 2016 les politiques d’austérité érigées en système par le FMI et imposées par Bruxelles sous l’influence de la rigidité et de l’intransigeance de l’Allemagne de Merkel. Ces économistes ont même prévenu que cette politique d’austérité inefficace va entraîner des explosions sociales, non pas seulement dans les pays pauvres, mais également dans les pays riches. Ce qui se passe en France en est une preuve.
Entre temps, en Tunisie et sous l’influence de la majorité des médias, on continu à diaboliser l’organisation ouvrière tunisienne et à défendre l’indéfendable à savoir un échec affligeant de tous les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis 2011. Ainsi le déficit commercial dans le Régime Général (onshore) est passé de 12,8 milliards de dinars en 2010 à 29,2 milliards en 2018. De ce fait le dinar est passé de 1,9 en 2010 à 3,5 actuellement pour un euro. La détérioration du pouvoir d’achat est sentie presque quotidiennement par la majorité des citoyens. Les PME nationales ont été totalement massacrées avec un taux d’intérêt exorbitant suite à l’augmentation par la BCT du taux directeur de 125 points seulement en 2018. Ainsi le taux d’intérêt des crédits bancaires se négocie à environ 12% alors qu’il est entre 1,5 et 2% uniquement dans les pays de l’UE. Le prix de l’énergie a subi une augmentation irresponsable et destructrice par le gouvernement actuel d’environ 50% en une année.
Par conséquent les perturbations sociales ne sont qu’une réaction de défense attendue voir même légitime pour protester contre une politique d’austérité dévastatrice pratiquée par un gouvernement soutenu par des partis politiques irresponsables, inféodés à des intérêts étroits d’un nombre restreint de groupes prédateurs.
Revoir cette politique est plus que nécessaire. L’exemple du Portugal sur ce plan est plus qu’éloquent. Car depuis les élections de 2015, ce pays a rompu avec l’austérité et la privatisation à outrance et il a choisi une politique de relance de son économie nationale par des augmentations salariales et des pensions de la retraite, et par l’encouragement des productions locales. En trois années le chômage a été réduit de 18% à 9% seulement, le taux de croissance compte parmi les plus élevés de l’UE.