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La question de l’alliance avec Qalb Tounes divise les dirigeants d’Ennahdha

En l’espace de quelques heures, entre hier soir, mercredi 9 octobre 2019, et ce matin, deux dirigeants d’Ennahdha, parti arrivé en première position lors des élections législatives de dimanche dernier, ont fait des déclarations contradictoires quant à la possibilité de former un gouvernement avec Qalb Tounes. Il s’agit d’Abdelfattah Mourou et de Sami Dilou.

Par Cherif Ben Younès

Pour le premier cette hypothèse n’est pas à écarter, tandis que pour le second, cela est hors de question.

Alors que le candidat du parti islamiste au premier tour de l’élection présidentielle a assuré, sur la chaîne de télévision qatarienne, Al Jazeera, que «l’intérêt de la patrie» pourrait justifier cette possible alliance, Samir Dilou a, pour sa part, déclaré, sur les ondes de la radio Shems FM, que les dirigeants de Qalb Tounes doivent d’abord «régler leur situation avec la justice»…

L’ancien ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitoire (décembre 2011 – janvier 2014) fait allusion aux poursuites judiciaires auxquelles font face le président du parti, Nabil Karoui, ainsi que son frère Ghazi Karoui, élu dans la circonscription de Bizerte, pour des affaires de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale et de corruption financière.

Ennahdha s’est enfin rendu compte qu’il faut combattre la corruption !

Selon M. Dilou, ce serait incohérent, pour son parti, de dire, d’une part, qu’il a l’intention de combattre la corruption, et de s’allier, d’autre part, avec des personnes soupçonnées de corruption.

Une prise de conscience qui arrive un peu tard, tout de même, quand on sait que Nabil Karoui a, depuis la révolution de 2011, été un élément très proche du parti islamiste, et notamment de son président Rached Ghannouchi, dont il était une sorte de spin doctor.

Mais essayons de voir le bon côté des choses dans les propos de Dilou : Ennahdha compte, visiblement, nous débarrasser d’un fléau (la corruption) qui est en train de gangrener le pays, à différents niveaux, à cause notamment de la mauvaise gouvernance politique des dernières années… Il y a, toutefois, un détail que le politicien n’a pas jugé intéressant d’évoquer : le fait que c’est Ennahdha, elle-même, qui a gouverné le pays ces 8 dernières années !

On parle bien d’Ennadha, le parti dont certains dirigeants, sont eux aussi soupçonnés de corruption, à l’instar de Rafik Abdessalem, l’ancien ministre des Affaires étrangères (décembre 2011 – mars 2013), célèbre, notamment, du fait qu’il était le protagoniste de l’affaire Sheraton Gate (abus de biens publics) et celle du don chinois (corruption financière). Affaires que la justice semble avoir oubliées.

Dilou pense avoir la solution pour former un gouvernement

M. Dilou a, par ailleurs, estimé qu’il est «impossible de former un gouvernement si on suit l’approche traditionnelle», consistant à ce que le parti gagnant commence par contacter ceux avec lesquels il pourrait composer. La raison est connue désormais de tous : l’émiettement du paysage parlementaire et les conflits politiques et idéologiques qui existent entre les partis qui seront les plus représentés au prochain parlement ne le permettent pas !

La solution que propose l’ancien porte-parole du gouvernement (décembre 2011 – janvier 2014) est de fixer, dans un premier temps, un programme politique, avant d’essayer de rassembler, autour de lui, quelques partis, ne serait-ce qu’en vue de soutenir le prochain gouvernement, à défaut de l’intégrer.

Une suggestion, pour le moins, drôle, venant d’un dirigeant du parti au pouvoir depuis tant d’années ! Ainsi donc, c’est aujourd’hui qu’Ennahdha décide de concevoir un programme… Qui plus est mobilisateur ! Il était temps ! Mais à ce rythme-là, la Tunisie serait un pays déjà en faillite avant la formation du prochain gouvernement.

Rappelons que selon les résultats préliminaires des législatives, annoncés hier par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Ennahdha a fini en tête et remporte 52 sièges. Qalb Tounes a, pour sa part, fini en deuxième position, avec 38 sièges. Les deux disposent ensemble de 90 sièges et ont besoin de 17 autres pour espérer constituer un gouvernement. C’est faisable, c’est même devenu très vraisemblable, malgré les démentis et les dénégations des dirigeants des deux partis.

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