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Cinéma : ‘‘La fille de la lune’’, une histoire d’ombre et de lumière

Le film documentaire ‘‘La fille de la lune’’ de la jeune cinéaste tunisienne Hiba Dhaouadi est en ce moment dans les salles de cinéma. Portraits d’une enfant et de deux jeunes femmes atteintes de la maladie de Xeroderma Pigmentosum et de leur lutte quotidienne pour rester à l’abri du soleil et des regards malveillants.

Par Fawz Ben Ali

‘‘La fille de la lune’’ a été projeté lors d’une séance spéciale, le mardi 3 décembre 2019, dans le cadre de l’événement solidaire «Décembre ensemble» organisé par l’Institut français de Tunisie (IFT), décliné sur trois journées : journée de lutte contre le sida, journée de sensibilisation aux situations de handicap et journée du volontariat français.

Journée mondiale des personnes handicapées

En marge de la Journée internationale des personnes handicapées, célébrée un peu partout dans le monde depuis 1992, l’IFT a organisé –en partenariat avec le ministère des Affaires sociales et d’un nombre d’associations – une table-ronde autour du thème «Bien sûr que je travaille», un atelier d’initiation au langage des signes, ainsi que la projection gratuite du film ‘‘La fille de la lune’’.

Un an après sa sélection hors-compétition aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2018), ce film sort enfin dans les salles de cinéma tunisiennes. Il s’agit du premier long-métrage de la jeune réalisatrice Hiba Dhaouadi, produit par la documentariste Nada Mezni Hfaïedh que l’on avait connue grâce à son film ‘‘Au-delà de l’ombre’’ (Tanit de bronze aux JCC 2017) sur la marginalisation de la communauté LGBT en Tunisie.

Après des études de cinéma à l’ISAMM et un premier court-métrage, Hiba Dhaouadi choisit le format documentaire pour son premier long-métrage avec un sujet délicat : les personnes atteintes de Xeroderma Pigmentosum, appelées «enfants de lune»; une première œuvre, auréolée du prix du meilleur film attribué par le Centre de recherche, d’études, de documentation et d’informations sur la femme (Credif), où la réalisatrice filme de près le quotidien difficile de Lamya, Aya et Sihem, qui, à cause d’une hypersensibilité aux moindres rayons ultraviolets du soleil, sont contraintes de vivre cachées durant la journée.

La Xeroderma Pigmentosum est une maladie génétique très rare qui touche moins de 1000 personnes en Tunisie, un taux relativement élevé par rapport à la moyenne mondiale. Le film illustre la discrimination de ces personnes due essentiellement à la méconnaissance de la maladie. Les enfants de la lune souffrent d’une privation de circulation au quotidien et surtout de regards et de comportements intrusifs, moqueurs et parfois même violents de la société.

Vivre au jour le jour

Chapeau, foulard, gants, lunettes solaires et casque constituent le kit de survie des enfants de la lune à chacune de leurs sorties en journée. La réalisatrice accompagne cette sortie douloureuse, contraignante et angoissante de l’ombre vers la lumière de ces trois personnes qui refusent de rester recluses chez elles et qui luttent tant bien que mal pour mener une existence ordinaire à l’école, au travail, dans la rue, dans les transports publics…

La cadette du film, une jeune fille d’une dizaine d’années, est privée de la récréation, elle se contente d’observer ses camarades jouer dans la cour derrière le rideau de la fenêtre, dans un coin sombre de la classe, mais elle garde tout de même le sourire. «Je dois garder ce casque car je suis allergique au soleil», lance-t-elle à la caméra.

D’autre part, Lamia étudiante en sciences de la vie a choisi de profiter pleinement de sa vie. «Je vis au jour le jour, je ne veux pas penser à l’avenir», dit-elle en réponse à l’espérance de vie très faible dans enfants de la lune.

La jeune femme avait été privée des cours de français à l’école parce que sa maîtresse refusait de croire à cette intolérance au soleil et refusait donc de fermer les stores de la classe. Une discrimination parmi d’autres qui n’a pas empêché Lamia de continuer ses études et de réussir sa soutenance de master avec la mention très bien sous le regard fier de ses parents dans une salle à moitié obscure. La jeune femme fait aujourd’hui partie du conseil municipal de Ben Arous et donne des cours de prise de parole en public.

À l’occasion de la sortie du film qui coïncide avec la Journée mondiale des personnes handicapées, il est à signaler l’inefficacité des institutions de l’Etat dans l’accompagnement des personnes aux besoins spécifiques, comme les enfants de la lune pour lesquels il est nécessaire de prévoir une assistance et des équipements adéquats du moins dans les établissements scolaires et universitaires.

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