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Architecte et architecte d’intérieur : Deux métiers et deux statuts différents

Les architectes n’ont pas de problème avec la majorité des décorateurs, considérés comme de véritables partenaires autant que les ingénieurs. Mais chacun son métier, son titre et ses prérogatives. S’il y a volonté de réglementer le métier de décorateur (ou designer d’espace), il y a lieu de définir son rôle exact dans le bâtiment et de lui donner un titre n’offrant aucune possibilité à l’amalgame entre architectes et décorateurs.

Par Sahby Gorgi *

Le titre «architecte d’intérieur» n’existe ni dans la loi tunisienne (le titre d’architecte est réglementé par la loi 74/46) ni même française (mentionné comme métier non réglementé enfreignant la loi sur l’architecture de 1977). C’est un simple terme courant qui désigne communément le décorateur ou désigner d’espace.

Ce terme n’existe que dans la langue française qui a tendance à généraliser le terme «architecte» même en dehors du bâtiment: architecte réseau, architecte informatique…

En anglais, par exemple, ce métier est appelé «interior designer» qui est un métier purement artistique et n’a absolument rien à voir avec «architect», un métier réglementé, demandant certes une formation artistique mais aussi technique, scientifique et sociologique poussés.

Des «architectes d’intérieur» usurpent le statut réglementé d’«architecte»

Dans le monde entier, l’architecte est seul propriétaire de l’œuvre conçue et construite, le principal garant de la bonne exécution avec en plus une responsabilité civile et pénale.

Le problème du terme «architecte d’intérieur» se pose quand certains professionnels de la décoration l’exploitent pour en faire un fond de commerce au dépend du titre d’«architecte».

En effet, depuis quelques années, nous voyons, en Tunisie, de plus en plus de décorateurs compter sur l’amalgame du titre pour usurper la qualité d’architecte et exercer illégalement le métier. Ces intrus s’affichent maintenant au grand jour dans les médias et les réseaux sociaux, et bravent délibérément la loi. Nous voyons même aujourd’hui des décorateurs estomper le terme «intérieur» ou carrément le supprimer, dans un acte délibéré d’usurpation de titre. C’est d’autant plus grave dans la langue arabe مهندس معماري داخلي, traduction complètement absurde et hors propos, le terme مهندس معماري désigne l’«architecte» dans son sens exclusif de maître d’œuvre du bâtiment.

Alors que ce n’est clairement pas le même métier, l’amalgame entretenu par certains décorateurs tend même à faire croire que l’architecte d’intérieur est un spécialiste alors que le simple architecte est un généraliste du bâtiment, en donnant la fausse illusion d’une formation complémentaire comme en médecine par exemple.

L’anarchie, l’absence totale de réglementation ou de code déontologique, la liberté totale d’action chez les décorateurs a accentué la pression sur les architectes. Ils nous font croire que le diplôme d’architecte d’intérieur existe alors qu’il n’en est rien. L’architecture d’intérieur étant une spécialité d’une licence ou master en arts et métiers.

En réalité, il faut trois ans pour obtenir une licence en arts et métiers spécialité architecture d’intérieur (en arabe هندسة داخلية) et cinq ans pour le master. Il faut six ans d’études pour obtenir le diplôme national d’architecte (en arabe شهادة وطنية مهندس معماري) puis être inscrit au Conseil de l’ordre des architectes pour avoir droit au titre d’«architecte». Le master en architecture s’obtient après 8 ans d’études.

L’insistance délibérée des chambres syndicales des décorateurs (affilié à l’Utica) a usurper le titre (surtout dans la langue arabe) démontre clairement la mauvaise foi et surtout une volonté affichée d’une situation de fait accompli en s’accaparant une partie des prérogatives exclusives des architectes aux dépends de la loi. Ils comptent, depuis quelques années, sur l’impunité et la complicité d’une petite partie condamnable de la corporation.

Il faut réglementer le métier de décorateur (ou designer d’espace)

Les architectes n’ont pas de problème avec la majorité des décorateurs dont ils respectent le métier et sont considérés comme de véritables partenaires autant que les ingénieurs. Mais chacun son métier, son titre et ses prérogatives. S’il y a volonté de réglementer le métier de décorateur (ou designer d’espace) et s’il y a bonne foi de définir le rôle exact dans le bâtiment ainsi qu’un titre n’offrant aucune possibilité à l’amalgame, je pense qu’ensemble architectes et décorateurs peuvent trouver une solution pérenne dans l’intérêt du secteur. Les décorateurs ne pourront que gagner un métier réglementé et définitivement reconnu par tous.

L’usurpation de titre, l’exercice illégal de la profession d’architecte sont punis par la loi. Les architectes se doivent de combattre tout intrus à leur corporation et la défendre. Toute action délibérée contre le métier d’architecte sera farouchement combattue sans aucune hésitation. La guerre contre les intrus sera victorieuse par la volonté, l’engagement, l’union de tous les architectes et par la simple application de la loi.

Les architectes comptent sur une coordination parfaite entre leur conseil de l’ordre et leurs syndicats pour protéger la profession et les professionnels de l’architecture.

* Architecte urbaniste.

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