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A propos d’un touriste français que dérange l’appel à la prière par haut-parleur

On reçoit aujourd’hui, samedi 15 août 2020, à la rédaction de Kapitalis, un appel téléphonique de la part d’un homme se présentant comme un touriste français séjournant dans la zone touristique de Hammamet et qui nous fait part de deux désagréments qui ont carrément bousillé son séjour en Tunisie.

Par Imed Bahri

De quoi s’agit-il ? L’hôtel est mal entretenu? Le service est lent et médiocre ? L’eau du robinet est imbuvable ? La bouffe est infecte et immangeable ? La plage est sale ? Non, non, rien de tout cela. «Je ne supporte pas l’appel à la prière par haut-parleur qu’on m’inflige aux premières lueurs de l’aube», dit notre interlocuteur au bout du fil avec une touchante ingénuité. Et ce n’est pas tout. «Je ne supporte pas non plus la vue des femmes voilées à la plage. Trop, c’est trop. On paye pour passer des vacances tranquilles et on doit supporter ce genre de désagrément», dit l’homme.

Appel à la prière par haut-parleur et femmes voilées à la plage

Jouant au médiateur pédagogue, on a essayé de lui expliquer que l’appel à la prière, c’est comme les cloches des églises, ils s’adressent aux fidèles, mais les autres les acceptent comme faisant partie des conditions du vivre-ensemble. «Non, monsieur, ce n’est pas la même chose», répond le touriste français, visiblement énervé par notre argument.

Quant aux femmes voilées, il en existe dans toutes les villes du monde, y compris en France, où on peut voir aussi des juifs portant la kippa, des nonnes la tête enveloppée dans un foulard…, avons-nous essayé d’expliquer, ajoutant que c’est là une affaire de liberté individuelle et qu’on ne peut pas obliger les gens à s’accommoder de nos préférences ou de nos détestations personnelles. «Non, monsieur, vous comparez l’incomparable», nous répond l’homme au bout du fil. Et d’ajouter, sûr de la justesse de sa position et de la force de ses arguments: «Ici, nous sommes dans une zone touristique. Nous avons payé et nous avons le droit d’exiger un minimum de respect et le moindre respect consiste à ne pas nous réveiller à l’aube avec les cris d’un muezzin dans un haut-parleur. D’ailleurs, rien ne m’ôtera de la tête l’idée que j’ai perdu mon argent, que mes vacances sont bousillées et que je tirerai une croix définitive sur la Tunisie, qui ne sera pas la destination de mes prochaines vacances».

Entre hypocrisie sociale et fausse dévotion

Cette discussion, au-delà des arguments que l’on puisse développer, chacun selon ses partis-pris idéologiques et ses convictions philosophiques, ne saurait cacher un vrai problème que nous perdrons beaucoup, nous autres Tunisiens, à ne pas poser sérieusement et à essayer de lui trouver solution.

L’appel à la prière par les haut-parleurs, dont se plaignent aussi beaucoup de Tunisiens, y compris parmi les croyants et les pratiquants, ne devrait-il pas sinon être abandonné du moins réglementé, par exemple en l’interdisant dans les zones touristiques ou en le limitant à la journée ou en exigeant des préposés à la gestion des mosquées de baisser le son des baffles ?

La question des femmes voilées à la plage est certes encore plus compliquée, mais elle pose vraiment problème elle aussi et doit donner à réfléchir : une femme croyante et pratiquante et qui veut le montrer en arborant son voile ne se baigne pas dans la même plage avec des hommes et des femmes à moitié dénudés. D’ailleurs, ces femmes peuvent toujours cacher leurs cheveux en enveloppant leur tête dans un voile, mais dès qu’elles pénètrent dans l’eau, les formes de leurs corps, y compris leurs parties intimes, accrochent, pour ainsi dire, les regards des hommes. À quoi sert alors un foulard ? Pour faire durer une certaine hypocrisie sociale ou afficher une fausse dévotion qui ne trompe plus personne ?

On peut toujours argumenter et agiter le principe sacro-saint des libertés individuelles, mais un pays touristique comme la Tunisie et qui cherche à accroître ses recettes en devises se doit de s’organiser pour rendre le séjour des visiteurs étrangers le plus agréable possible pour eux, afin de les convaincre de la qualité de notre hospitalité et de les voir revenir. Et à cet effet, des réformes sont nécessaires…

À bon entendeur…  

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