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La révolution tunisienne a «tué» tous ses prétendus pères

Dix ans après la révolution du jasmin, une grande débâcle.

Nous nous acheminons allègrement vers le 10e anniversaire du soulèvement populaire du 14 janvier 2011. Ce soulèvement, qui comme la Covid-19 s’est invité dans notre quotidien sans crier gare, de manière soudaine, rapide, dévastatrice , mais comme la Covid-19 à son début, avec un soupçon de manipulation, de traîtrise, de mains étrangères pour nous livrer en très peu de temps un paysage politique incongru où ceux qui étaient au pouvoir sont allés en prison et ceux qui étaient en prison ont pris le pouvoir.

Par Dr Mohamed Sahbi Basly *

C’est cette définition que j’avais personnellement retenue de ladite «révolution» et ce que je servais à chaque fois que l’on me demandait si ce qui s’est passé en Tunisie le 14 janvier 2011 était bien une révolution. Je répondais généralement qu’il s’agissait bien d’une révolution. Mai, au fur et à mesure qu’on posait les bonnes questions, à l’intérieur comme à l’extérieur, suivant l’évolution des événements ayant succédé au 14 janvier 2011 jusqu’à ce jour, ainsi que le quasi-laminage de tous les parrains de cette révolution qui ont hanté nos veillées nocturnes devant notre poste de TV pendant toutes ces années, tous sans exception, où presque, et mis à part Rached Ghannouchi, le leader du mouvement Ennahdha, ont disparu de la scène politique tunisienne, le dernier en date est Mohamed Abbou, président d’Attayar, qui a annoncé, hier, mercredi 2 septembre 2020, son retrait de la vie politique, en même temps que la fin du mandat du gouvernement Elyes Fakhfakh, dont il était membre.

Pour notre jeune démocratie tunisienne, force est de constater que le bilan des dix dernières années est bien maigre.

Tous les parrains de la révolution du jasmin ont été balayés par elle

Sur le plan politique, tous les parrains de la révolution du jasmin ont été balayés par celle-ci, ce qui confirme, une fois n’est pas coutume, qu’un mouvement fondé sur un mensonge et une usurpation du pouvoir par la manipulation de l’opinion publique, avec la complicité de forces occultes à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ne peut à la longue qu’être démasqué… Pour le cas d’espèce il a fallu 10 ans au commun des mortels pour se rendre compte de la supercherie.

La montée de la popularité de Abir Moussi auprès de l’opinion publique est l’illustration du ras le bol populaire face aux problèmes socio-économiques, mais également et surtout de la conviction partagée par un grand nombre que le 14 janvier 2011 fut un grand mensonge, et par conséquent de l’envie tout aussi partagée de revenir à la case départ… Est-ce cela le bilan des dix dernières années : une grande débâcle ? Pourquoi faire une révolution pour en arriver là? Qui devra assumer ce bilan mitigé pour l’histoire ? Est-ce au peuple tunisien, qui a crié de toutes ses forces «dégage» pour l’ancien régime et ses serviteurs de payer la facture ? Ou bien devrions-nous faire porter la responsabilité à tous ceux qui ont gouverné notre pays depuis le 14 janvier 2011 ?

Certains continuent d’ailleurs à ce jour de vouloir faire porter le chapeau de cet échec économique et social à la gestion de Ben Ali pendant ses 23 années de règne? Toujours est-il que nous nous trouvons aujourd’hui face à des défis multiples difficiles à relever, en tête desquels l’emploi tient le haut du pavé. Ironie du sort, c’est cette même raison qui a fait sortir des milliers de jeunes chômeurs dans la rue le 14 janvier 2011. Ils étaient 400.000 chômeurs à l’époque, ils sont près d’un million dix ans après. Voilà le bilan…

Les nouveaux gouvernants n’ont aucune notion de l’Etat et de l’intérêt collectif

Oui cette révolution a éliminé rapidement tous ses prétendus mentors, simplement parce qu’ils se trouvaient là par hasard. Ils n’ont jamais été à l’origine de ce soulèvement populaire … Ils en ont cueilli les fruits avec opportunisme. C’est leur absence de vision, leur acharnement à tout détruire, à commencer par les institutions de l’Etat, leur rancune vis-à-vis des régimes de Bouguiba et Ben Ali, leur fidélité à l’agenda idéologique ou politique qui leur a été imposé et l’absence chez eux de toute notion élémentaire de gouvernement, tout sens de l’intérêt collectif et de la souveraineté nationale… qui ont accéléré l’élimination de ces pseudo révolutionnaires.

Je ne souhaite pas à la Tunisie de sombrer de nouveau dans un régime autocratique. Je ne serai jamais de ceux qui souhaitent revenir en arrière ni perdre les acquis. Les événements du 14 janvier 2011 ont permis à la Tunisie d’acquérir, et je l’espère de manière définitive, deux valeurs essentielles : la liberté d’expression et l’exercice démocratique du pouvoir.

Un simple toilettage de la constitution de 2014 pour définir un régime politique conforme à notre culture, une réforme du code électoral pour permettre à la démocratie de base de s’exprimer pleinement et une cour constitutionnelle pour assurer la pérennité des institutions de l’Etat permettront à la Tunisie de sortir à l’horizon 2021 non seulement indemne des errements des dix dernières années, mais renforcée dans ses grands choix politiques, économiques et sociaux qui répondront, tôt ou tard, aux attentes des Tunisiennes et des Tunisiens .

C’est ce à quoi doit s’atteler tout patriote qui se respecte pour rompre ce cercle vicieux, et en premier lieu notre chef de l’Etat qui devra être le rassembleur de toutes les forces qui le souhaitent vers cet objectif suprême qu’est celui de l’intérêt supérieur de l’Etat. On y arrivera certainement avec la volonté de tous.

* Membre du bureau politique de Tahya Tounes.

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