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Vaccination contre la Covid-19 : Il faut se hâter lentement

Alors que les campagnes de vaccination contre la Covid-19 sont lancées à travers le monde, entre espoir et scepticisme, nous autres Tunisiens devons gérer ce dossier sans précipitation et avec intelligence. Car, cette fois, prendre son temps pour bénéficier du retour d’expérience des premières vagues de vaccination ne sera pas une erreur.

Par Pr Faouzi Addad *

La vaccination a officiellement commencé le 8 décembre 2020 en Angleterre avec comme première vaccinée une dame de 90 ans. C’est la tranche d’âge choisie en premier. Ce n’est pas forcément une bonne stratégie pour rassurer le grand public.

En attendant d’y voir plus clair dans les prochains mois, la science continue de chercher le médicament qui pourrait bloquer la réplication du virus ou du moins ses effets délétères. Deux études sur l animal nous donnent beaucoup d’espoir.

De nouvelles pistes prometteuses

La première étude concerne un antiviral, le Molnupiravir qui serait peut être le médicament attendu pour éliminer le virus de cette planète. Il a donné d’excellents résultats sur des furets en 24h après la prise bloquant totalement le virus. Les travaux chez l’homme ont commencé et on aura dans quelques mois la réponse. Le problème c’est de connaître ses effets indésirables et surtout son coût.

Le second médicament très intéressant et que l’on connaît parfaitement c’est la Colchicine avec des travaux récents chez l’animal qui montre une protection importante des poumons (moins 61%) lors de l’infection et 2,5 fois moins de chute d’oxygène chez les animaux infectés. Cet anti-inflammatoire bien connu en cardiologie et disponible chez nous donne aussi un véritable espoir car il a une action vasculaire et cardiaque bien démontrée et un faible coût.

Les résultats de cette étude Colcorona menée par l’Institut de cardiologie de Montréal donneront, en janvier 2021, plus de certitudes sur l’efficacité de la Colchicine chez l’homme. Son utilisation chez les personnes à haut risque me semble pertinente. Mais en attendant, protégeons-nous, d’autant que nous sommes plus proches de la fin que du début de cette épidémie.

La vodka ou le vaccin

Sur un autre plan, le vaccin Spoutnik V pose déjà problème en Russie même. Pour espérer une efficacité optimale, on doit s’abstenir de boire de l’alcool pendant 42 jours après la vaccination. «La vodka ou le vaccin» sera le prochain slogan du ministère Russe de la Santé. C’est aussi mal parti pour que ce vaccin soit utilisé dans notre pays, vu l’ambiance morose qui y règne actuellement.

Les larmes de Mme Merkel

Plus près de nous, les larmes d’Angela Merkel suppliant les Allemands de respecter les gestes barrières nous montrent que les meilleurs élèves de l’Europe lors de la première vague de la pandémie peuvent devenir les cancres de la seconde. Ce sentiment d’invulnérabilité et cette tentation de relâchement sont humains avant d’être liés au tempérament d’un peuple.

La gestion d’une épidémie c’est avant tout une culture et cette culture-là n’est manifestement ancrée que chez les Asiatiques qui ont montré au monde qu’ils sont des peuples disciplinés et habitués à la gestion de ce genre d’épidémie. Ils ont cela presque dans les gènes.

Nombreux sont ceux qui accusent les Chinois d’avoir caché les vrais chiffres des contaminations et des morts. Mais la gestion de la seconde vague en cours montre qu’on ne peut rien cacher sur cette maladie et que le faible nombre de cas enregistrés en Chine est lié aussi à une excellente gestion de l’épidémie, qui plus est, en un temps record.

En revanche, la Covid-19 a mis à nu la faiblesse du modèle occidental (que nous avons adopté) en matière de gestion des pandémies. Car à cette crise sans précédent va s’ajouter maintenant la problématique de l’achat des vaccins et de toute la logistique nécessaire à la vaccination. Le capitalisme voudra prendre sa revanche sur le virus et, pour notre part, en Tunisie, nous devons gérer ce dossier avec intelligence. Et cette fois, prendre son temps pour bénéficier du retour d’expérience des premières vagues de vaccination ne sera pas une erreur.

* Professeur en cardiologie.

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