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L’alibi Ennahdha

Rached Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi, Ahmed Nejib Chebbi, Kamel Morjane et Youssef Chahed.

«Il faut torturer les chiffres pour qu’ils disent la vérité…» Selon un simple calcul arithmétique, Rached Ghannouchi, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), pourrait être évincé de son poste facilement, mais est-ce que la classe politique le souhaite vraiment ? Qu’on nous permette d’en douter …

Par Helal Jelali *

Le président d’Ennahdha et président de l’ARP a, presque, tout le monde contre lui, le président de la république Kais Saied, le secrétaire général de l’Union général tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, une majorité des députés, et enfin, selon les derniers sondages, une grande majorité du peuple tunisien, puisqu’il est parmi les personnalités politiques les plus impopulaires dans le pays. Même dans son camp, une fronde des quadras est vent-debout contre le père autoritaire. Mais alors a-t-on affaire à un Hercule, à un politicien hors-pair dont la stratégie est toute puissante… ou à un véritable Machiavel… Mais non, il n’en n’est rien.

Comment Ghannouchi s’est-il imposé à ses adversaires ?

En fait, Ghannouchi à bien compris, depuis son «consensus» trouvé avec l’ancien président Béji Caïd Essebsi, que son parti et lui-même étaient devenus «une nécessité politique» pour leurs adversaires. Sans lui, ils n’existeraient même pas… Leur seul programme politique se résume souvent dans la critique d’Ennahdha et le dénigrement de son président.

Incapables de proposer des solutions pour résoudre les multiples problèmes socio-économiques du pays, sans aucune vision ou projet afin de redonner espoir aux Tunisiens, nos politiciens semblent avoir choisi le route de la «victimisation» : tous les malheurs du pays seraient l’œuvre d’un seul homme, Ghannouchi et d’un seul parti, Ennahdha. Ces malheurs sont le surendettement, le déficit colossal des entreprises publiques, la dégradation des services publics, la corruption généralisée, l’insécurité, le commerce informel… Ghannouchi et Ennahdha, qui dominent la scène politique en Tunisie et y contrôlent beaucoup de rouages de l’Etat depuis une dizaine d’années, ont, certes, une grande part de responsabilité dans la dégradation de la situation générale, mais ils ne sont pas les seuls à blâmer, car qu’ont fait leurs adversaires et en quoi ont-ils été meilleurs ?

Une autre fourberie mérite d’être signalée ici, selon leurs adversaires les islamistes d’Ennahdha seraient exclusivement financés par le Qatar et la Turquie. Je l’écrivais dans le quotidien ‘‘La Presse’’ en 2012, Ennahdha est financé, «intra-muros», par de grands patrons tunisiens. Lors de la campagne pour l’élection de la Constituante, en 2011, lors d’un gala animé par un grand chanteur à Sousse, Ennahdha a recueilli des dons d’un montant total de 100.000 dinars… en une seule soirée. Information livrée aux radios, le lendemain, par Dr Nejib Karoui, fils du Dr Hamed Karoui, l’ancien Premier ministre de Ben Ali, un proche de Rached Ghannouchi et de Hamadi Jebali.

Que feraient ses adversaires si Ennahdha disparaissait ?

Mais que feraient les adversaires d’Ennahdha si le parti islamiste venait à disparaître? Ils se retrouveraient devant un vide sidéral qui les engloutirait aussitôt. Leur stratégie étant uniquement fondée sur la «diabolisation de l’ennemi», ils ne sauraient aller très loin et, encore moins, gagner en crédibilité au regard des Tunisiens, dont plus des deux tiers n’ont pas de préférence politique, comme le montrent tous les sondages d’opinions. Cette stratégie est suicidaire et sans avenir.

De nombreux faux opposants à Ghannouchi n’avaient-ils pas accouru à son bureau, en janvier 2014, pour solliciter le poste de chef de gouvernement après la chute du gouvernement d’Ali Larayedh. L’ancien ministre des Affaires étrangères et de la Défense Kamel Morjane, le vieux briscard, Ahmed Mestiri, et même certains ténors de la gauche, comme Ahmed Nejib Chebbi faisaient la courbette au Cheikh de Mont-plaisir.

Certains diplomates accrédités à Tunis, n’y comprenant plus rien, étaient dépités par la basse-cour de Tunis, ce qui a fait dire à l’un d’eux, à cette époque : «On ne sait jamais à qui on avait affaire, à un islamiste, à un gauchiste laïc ou à un ancien Rcdiste». «Les trois à la fois, mon cher Watson, mais tout dépend du moment…», étions-nous tentés de lui répondre.

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