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Pour quand la reprise économique en Tunisie ?

Alors que l’économie mondiale se remet peu à peu de la crise induite par la pandémie de la Covid-19 et que la croissance reprend un peu partout dans le monde, la Tunisie continue de se morfondre dans la crise, incapable d’assainir son économie et de mettre en œuvre les réformes nécessaires à sa reprise, pourtant bien identifiées par les experts et admises par les autorités.

Par Amine Ben Gamra *

La Tunisie marche actuellement sur le fil du rasoir. Les réserves en devises ont baissé de 8% entre fin décembre 2020 et fin mars 2021. Les agences de notation Moody’s et Fitch viennent de successivement dégrader la note de défaut en devises étrangères à long terme de notre pays , de B2 à B3 pour la première et B à B- pour la seconde, en assortissant cette baisse de perspectives négatives. Et on n’est plus qu’à une marche de la note C qui signifierait un défaut de paiement. Pour ne rien arranger, le produit intérieur brut devrait chuter en 2021 pour la seconde année consécutive et l’endettement et le déficit budgétaire vont continuer de se creuser dangereusement.

Tous les clignotants sont au rouge

La dette publique tunisienne, dont 70 % est extérieure, a atteint 90% du PIB en 2020, tout en poursuivant son inquiétante tendance à la hausse. En 2011, elle était près de deux fois moins importante en pourcentage du PIB. La Tunisie est vulnérable aux chocs exogènes, principalement aux risques de change, en raison de la forte concentration de la dette extérieure dans la dette totale. Le coût du service de la dette absorbe environ 28% du budget, aux dépens des dépenses de développement nécessaires pour l’amélioration de la compétitivité à long terme du pays.

Les difficultés financières des institutions et entreprises publiques sont une autre source d’inquiétude. À la fin 2019, la dette des entreprises publiques représentait 13% du PIB.

Pour l’heure, tous les indicateurs socio-économiques de la Tunisie sont au rouge vif. Et eu égard l’état actuel de son économie et la crise sévissant encore sur le plan international, malgré des prémices de reprise, la Tunisie ne pourra pas s’en sortir sans un plan de relance économique et des réformes structurelles profondes, notamment une révision du code des changes, l’augmentation de la productivité du port de Radès, principal poumon économique du pays, l’accélération de la réalisation des projets dans les régions, l’assainissement des entreprises publiques, la modernisation de l’administration fiscale, la révision du régime fiscal forfaitaire qui prive les caisses de l’Etat d’importantes ressources, la dynamisation de l’investissement, le soutien des startups et des projets innovants, l’encouragement du décashing, l’intégration du marché parallèle dans le circuit officiel, la lutte contre l’évasion fiscale et le renforcement des contrôles économiques et fiscaux.

La reprise est tributaire des actions qui seront mises en oeuvre pour changer le modèle de développement économique et social et repositionner la Tunisie dans son environnement régional et international profondément touché par la pandémie de la Covid-19.

Guérir ou mourir

Avec l’amenuisement des ressources financières et sous la pression de la crise, beaucoup de décisions doivent être prises très rapidement par les pouvoirs publics qui sont aujourd’hui dos au mur. Or, l’immobilisme que nous observons depuis plusieurs mois est, à cet égard, synonyme de suicide pour une économie gravement malade, dont on a diagnostiqué les maux et les remèdes mais qu’on tarde, paradoxalement, à soigner.

Si on fait le nécessaire pour assainir la situation et relancer la machine de production, la crise pourrait être «la balle de délivrance» pour le pays, prisonnier d’un modèle de développement archaïque, à bout de souffle et exigeant des réformes structurelles radicales et, nécessairement, douloureuses. Si on retarde les soins, les perspectives de la guérison s’éloigneraient et son coût serait très élevé.

* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.

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