Comme attendu, la justice australienne, après un marathon digne d’un match de tennis, a finalement décidé d’extrader le champion serbe Novak Djokovic, à qui un visa d’entrée avait été accordé pour participer à l’Open d’Australie.
Par Dr Mounir Hanablia *
N’étant pas vacciné (no vax), Djokovic avait été placé dans un centre de détention en attendant que la justice statue sur son appel. Celle-ci lui avait alors donné raison et il avait été libéré. Mais le ministre de l’Immigration ayant décidé le renvoi du dossier devant la justice fédérale, il avait été réincarcéré quelques jours après.
Finalement, le verdict est tombé en défaveur du champion serbe qui devra s’acquitter des frais de justice (il en a les moyens) et quitter le pays. Il y sera interdit d’entrée durant trois ans.
Abstraction faite du bien-fondé de la décision définitive, il demeure étrange qu’un visa de séjour accordé par une juridiction officielle soit contredit par d’autres services administratifs, et que dans un pays de tradition britannique, l’autorité d’une cour de justice locale soit désavouée par l’autorité politique et renvoyée devant la juridiction fédérale.
Une parfaite absurdité
On ne connaît pas encore les attendus du jugement mais la raison invoquée par le ministre de l’Immigration pour se pourvoir en justice, celle du risque d’instabilité civile résultant d’un visa accordé à une personnalité emblématique du mouvement anti vaccin, peut laisser rêveur. Autrement dit, si Djokovic avait été M. Durand, il aurait éventuellement pu bénéficier d’un traitement de faveur, ce qui est une parfaite absurdité.
Les avocats du tennisman ayant argué que le ministre spéculait sur des considérations dont rien ne prouvait qu’elles fussent réelles et que le risque d’instabilité résulterait plutôt de l’expulsion de leur client, le ministre a écrit, après le jugement définitif, que son pays avait démontré qu’il ne craignait aucun chantage à la paix civile. En d’autres termes le gouvernement australien avait demandé l’expulsion de Djokovic pour une raison politique, celle de ne pas permettre au mouvement contre la vaccination anti covid de remporter une victoire et de se renforcer, et la justice fédérale, sans doute la plus haute autorité juridique du pays, lui a emboîté le pas.
Comme quoi en Australie, toutes les cours de justice du pays pourront donner raison à l’une des parties, c’est toujours la cour fédérale qui statuera en dernier recours, souvent après plusieurs années de procédures, et se rangera derrière l’avis du gouvernement. Pourtant personne n’a jamais prétendu qu’elle ne fût pas indépendante.
Une attitude de fermeté
Si effectivement l’image de marque de l’Australie ne sort pas très grandie de ce chassé-croisé juridique, on peut en dire autant du champion serbe et des organisateurs du tournoi de Melbourne. Ces derniers au lieu d’exiger un certificat de vaccination pour l’inscription de tous les concurrents a cru bon de lui obtenir une dérogation, sur la foi d’une infection survenue en décembre dernier, dont il apparut qu’il ne s’y était pas conformé aux nécessités du confinement et avait participé à plusieurs évènements mondains sans prévenir qu’il était infecté. Cela lui aliéna non seulement l’opinion publique australienne et internationale, mais aussi une bonne partie de celle de son propre pays, la Serbie.
C’est probablement cela qui a fourni au gouvernement australien l’opportunité d’adopter une attitude de fermeté, et même de se révéler de mauvaise foi. On aurait pardonné éventuellement au champion serbe de ne pas se faire vacciner, pas de mentir et d’exposer délibérément autrui à un risque de contamination. De surcroît, ses collègues tennismen professionnels sont tous entrés en Australie en étant vaccinés, et ne lui ont donc pas apporté leur soutien.
En fin de compte et malgré tout, on ne peut pas prétendre qu’il n’ait pas bénéficié d’un régime de faveur; la procédure judiciaire à laquelle il a choisi de se soumettre s’est conclue en quelques jours alors que plusieurs de ses codétenus du centre de détention attendent depuis plusieurs années les réponses à leurs demandes d’immigration… sans avoir les moyens de repartir.
En fin de compte, pour peu qu’on en ait les moyens, il vaudrait mieux éviter de voyager en Australie, quelles qu’en fussent les raisons. On ne serait jamais sûr d’y entrer… ou d’en ressortir.
* Médecin de pratique libre.
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