Dans la Tunisie de Ghannouchi, la science n’a plus droit de cité. Des universités transformées en arènes de pugilat et d’invectives et des chercheurs apeurés et contraints au silence, voilà à quoi nous sommes désormais réduits.
Par Karim Ben Slimane*
Aujourd’hui mon humeur n’est pas taquine comme à l’accoutumée, le ton n’est pas au badinage. La nouvelle a terrassé plus d’un dans la paisible communauté francophone de chercheurs en gestion.
Le rendez-vous manqué à Hammamet
Nous avons rêvé de digresser de théories et de modèles de gestion d’entreprise sur les plages de Hammamet mais au final c’est chez notre ami l’auvergnat que nous-nous arrêterons.
La conférence internationale des chercheurs francophones en gestion sort rarement de l’hexagone parfois par franchouillardise souvent par manque de moyens. Quand Hammamet a été choisie pour accueillir la prochaine édition de la conférence tout le monde était content. Il faut dire qu’au moment de l’annonce, la grisaille du Nord a tellement eu raison de notre gaité que rien que d’imaginer les plages de Hammamet et ses rayons de soleil chatouillant, avait suffi à nous griser.
Personnellement, je ne rechignais pas non plus à l’idée de rentrer voir ma famille aux frais de la princesse ça fera des économies supplémentaires pour rentrer avec plus de cadeaux aux cousins et cousines dont j’oublie souvent le prénom mais qui sont toujours là pour recevoir des cadeaux.
Cependant l’ivresse de la bonne nouvelle a été très courte puisque Rached Ghannouchi, jusqu’au-boutiste comme il est, fait tout pour rendre mon existence austère et terne depuis son arrivée avec ses affidés barbus au pouvoir.
Prenant peur, les organisateurs de la conférence ont cédé aux recommandations et aux avertissements des autorités et ont détourné la conférence vers une destination, disons-le sans ambages, moins glamour. J’ai pourtant proposé que nos collègues femmes mettent un fichu sur la tête et que les hommes se laissent pousser la barbe afin de passer inaperçus dans le pays de Ghannouchi mais mes efforts ont été vains.
On écoute religieusement et on ferme sa gueule
Et la police, m’a-t-on rétorqué, avant chez toi quand la police vous tabassait on ne disait rien mais maintenant la police viole les femmes et là ça devient sérieux et intolérable. Un argument massue qui m’a cloué le bec, que dire pour défendre une police qu’on croyait rangée avec le peuple depuis le départ de notre persécuteur mais qui au final a vite renoué avec ses vieux démons. Chasse le naturel il revient au galop, cette fois-ci c’est avec un islamiste sur le dos.
Heureusement que l’auvergnat est là, lui qui nous a donné quatre bouts de table quand notre vie devenait une fable, lui qui nous a redonné la croyance quand des islamistes convaincants, tous les gens bien intentionnés nous avaient fermé la porte au nez.
C’est ainsi que dans la Tunisie de Ghannouchi, la science n’a plus droit de cité. Des universités transformées en arènes de pugilat et d’invectives et des chercheurs apeurés et contraints au silence, voilà à quoi nous sommes désormais réduits.
Que Ghannouchi soit soulagé, il aura pour lui un peuple écervelé à qui il pourra distiller à doses homéopathiques ses idées rétrogrades et saugrenues. Personne ne sera là pour crier gare car dans le pays de Ghannouchi on écoute religieusement et on ferme sa gueule.
*Spectateur engagé dans la vie politique tunisienne.
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