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De la nécessaire protection des enfants violés

Enfant-violé

Lettre ouverte à Samira Merai, ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, à propos de la protection des enfants violés.

Par Jamila Ben Mustapha *

Les médias nous ont informés, aujourd’hui, mercredi 18 novembre 2015, du cas d’un enfant de 13 ans qui, non seulement a été violé pendant deux années par des élèves plus âgés que lui, mais a été renvoyé de l’internat de Makthar où se sont déroulés les faits, une fois que ces derniers ont été découverts !

Je ne doute pas tout d’abord que, suite à sa dénonciation par les médias, cette grossière injustice sera réparée.

Il serait souhaitable, à ce propos, que l’élève change d’établissement pour que les énormes dégâts d’ordre psychologique qu’il a déjà subis ne soient pas augmentés par la cruauté de ses camarades et du milieu où il va vivre en tant que personne reconnue comme ayant été abusée.

Décidément, par cette punition d’un être ayant enduré le plus grave des préjudices, c’est comme si notre société dirigeait sa malédiction vers la catégorie des humains les plus en souffrance, parmi nous : les personnes violées. Ces dernières doivent d’abord se battre pour se voir reconnaître le statut de victime !

Nous n’avons qu’à nous rappeler le cas de Meriem Ben Mohamed, la jeune fille violée par 3 policiers, qui n’a pu obtenir justice qu’après avoir manifesté un courage hors du commun, puisqu’à chaque étape de son parcours de plaignante, elle n’a trouvé que des personnes qui la poussaient à arrêter la procédure et à ne pas aller plus loin.

Silence des victimes et impunité des violeurs

C’est que partout, mais particulièrement dans nos sociétés arabo-musulmanes, une omerta règne sur ce type de crime, le pire que puisse subir un corps humain après le meurtre, et dont les conséquences désastreuses se trouvent ainsi multipliées par cette loi du silence : la victime doit non seulement endurer ces sévices, mais se taire sous la pression des menaces de l’agresseur, surtout s’il s’agit d’un enfant.

Et même si le délit est découvert, il est souvent étouffé par la famille qui craint le déshonneur et la honte publique pour elle-même ainsi que pour son proche. Et toute la chaîne des autorités habilitées à sanctionner ce crime – police et justice –, manifeste souvent la mauvaise volonté la plus grande pour accomplir son  travail.

Or, en condamnant les personnes violées au silence, on sait que leur drame ne va faire que «pourrir» à l’intérieur d’elles-mêmes, les ronger, les dévaster, et qu’on ne leur donne ainsi aucune chance de se reconstruire : pour cela, non seulement, justice doit leur être rendue, mais elles doivent bénéficier d’un soutien d’ordre psychologique assez long.

Mme Merai, je m’adresse à vous en tant que ministre de l’Enfance, mais aussi, en tant que médecin, pour que vous fassiez votre possible afin de protéger nos enfants du viol qu’ils peuvent subir, soit à l’intérieur de leur famille, soit à l’extérieur.

Une équipe de psychologues et de communicants pourrait mettre au point à la télévision, une campagne qui s’adresserait aux enfants pour leur demander avec le plus grand tact, d’utiliser un numéro vert s’ils remarquent la moindre anomalie qui les dépasse et qu’un adulte quel qu’il soit, ferait subir à leur corps.

Il faudrait aussi les rassurer pour les convaincre qu’ils n’ont pas à avoir peur de parler. Une tactique générale des agresseurs sexuels – et surtout s’ils sont des parents proches – est de culpabiliser l’enfant et de l’assurer que «le ciel va lui tomber sur sa tête» et sur celle de ses proches, s’il révèle le crime.

Jusque-là, les violeurs ont profité de la plus grande impunité qui a sa source dans le silence de la victime autant que de la famille et de la société entière.

Le droit à l’intégrité corporelle

La seule façon pour les autorités concernées, de mettre l’enfant sur la voie de la guérison, est de l’encourager à la parole et d’être prêtes à l’entendre et à punir le criminel qui s’en est pris à lui.

Quant aux mesures préventives, elles sont capitales et c’est pour cette raison importante que je vous envoie aussi cette lettre : les éducateurs des jardins d’enfants et des écoles doivent être formés pour apprendre à l’enfant, de la façon la plus délicate possible, son droit à l’intégrité corporelle, de façon à ce qu’il réagisse immédiatement dès qu’il sent qu’un être plus fort que lui s’en prend à lui et lui fait subir quelque chose de tout à fait inhabituel et choquant.

Voici donc notre devoir d’adultes : pousser l’enfant à défendre son corps et à dénoncer les sévices qu’il subit dès qu’ils ont lieu, et non, de longues années, plus tard.

Chacun de nous doit, de là où il se trouve, faire ce qu’il peut pour le protéger : de notre part, cet article représente la modeste contribution que nous nous sommes proposée d’avoir.

* Universitaire.

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