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Parc technologique Ennahli : Litige foncier et tempête politico-judiciaire 

Habib Louati sur le chantier discutant avec le ministre Maarouf.

Deux jours après la reprise des travaux d’extension du Technopôle El-Ghazela sur le plateau Ennahli, les héritiers de feu Ali Louati bloquent de nouveau le chantier. A tort ou à raison ?

Par Zohra Abid

Au lendemain de la publication de notre reportage : ‘‘Parc technologique Ennahli : L’ouverture prévue fin 2017’’, annonçant la reprise des travaux par les autorités et la clarification du litige sur un terrain de 144.000 m2 qui appartenait à feu Ali Ben Bacha Louati, les héritiers de ce dernier se sont manifestés avec des documents et des jugements prouvant qu’ils sont encore les propriétaires du terrain et non l’Etat.

Une affaire qui traîne depuis le siècle dernier

Les travaux relatifs à ce projet, annoncé en 2009 par l’ancien président Ben Ali, ont été suspendus en 2012, suite à des jugements de tribunaux, raconte à Kapitalis Habib Louati, l’un des héritiers de Ali Ben Bacha Louati.

Technopole Ennahli

Visite du chantier par des membres du gouvernement, mardi 21 février 2017.

«L’Etat a vendu ce terrain au défunt, en 1972, pour 4.655 dinars tunisiens (DT). Cette somme a été payée sur 20 ans. En 1995, Ben Ali a arrêté la cessation des domaines de l’Etat et le Journal officiel de la république tunisienne (Jort) a publié, en date du 17 juin 2008, sous le n° 2267, le changement de vocation des terres agricoles dans la région de l’Ariana y compris ce terrain», raconte Habib Louati. Lorsque les héritiers se sont aperçus de cette publication, ils ont attendu la rentrée judiciaire et déposé, le 24 janvier 2009, une plainte auprès le tribunal administratif contre la décision de l’Etat, ajoute notre interlocuteur.

Entre-temps, les travaux du Parc technologique Ennahli ont démarré et, poursuit l’héritier, «il a fallu attendre la révolution de janvier 2011 pour relancer l’affaire auprès du tribunal administratif, qui nous a donné raison, le 26 mai 2011. L’Etat a, de son côté, déposé une plainte auprès du tribunal de première instance pour reprendre la propriété du terrain. Le 15 juillet 2013, nous avons gagné l’affaire. Il y a eu par la suite un pourvoi en cassation et, le 22 juin 2015, nous avons gagné le procès».

Chantier

Le chantier va-t-il être de nouveau arrêté? 

Le gouvernement Chahed entre en ligne

Selon l’héritier, qui nous montre divers courriers du gouvernement, il a été question de négocier le prix du terrain et mettre fin au  litige, mais en vain. «Dans une lettre datée du 21 novembre 2016 et que nous avons reçue début janvier dernier, on nous a demandé de proposer notre prix. Les experts ont estimé ce terrain à 72 millions de dinars soit 500 DT le m2. Les responsables ont trouvé ce prix excessif. Notre dernier prix a été fixé à 450 DT le m2 et pas un millime de moins. L’Etat doit donc nous verser 64.800 millions de dinars, c’est notre droit», a poursuivi l’héritier, en précisant qu’il a été entendu par l’Instance Vérité et Dignité (IVD) et qu’il passera prochainement à la télé pour témoigner de cette escroquerie de l’Etat datant de l’ancien régime.

Joint au téléphone par Kapitalis, Mabrouk Korchid, secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et aux Affaires foncières, nous a répondu: «Si les héritiers ont raison, l’Etat leur donnera leurs droits». Et d’ajouter: «Mais, ce ne sont pas à eux qui vont imposer à l’Etat leurs experts. C’est la justice qui désignera les véritables propriétaires du terrain. Il s’agit aussi de l’intérêt général, s’agissant d’un projet qui va employer des milliers des jeunes. Puis, il est du droit de l’Etat d’examiner tous les documents fournis aux tribunaux et à propos desquels nous avons de nombreuses réserves». Traduire: l’Etat met en doute les données sur lesquels les jugements précédents ont été prononcés.

Technopole Ennahli

Un projet qui va créer des milliers d’emplois. 

Des empoignades juridico-financières

On apprend, d’un autre côté, que le chef du gouvernement Youssef Chahed allait être présent à la reprise officielle des travaux, avant-hier, aux côtés d’Anouar Maarouf, ministre des Technologies et de la communication et de l’Economie numérique, mais il en a été empêché par d’autres obligations. «Et c’est à la demande du chef du gouvernement que le ministre Maarouf s’est déplacé sur le chantier, accompagné de M. Korchid et de la gouverneure de l’Ariana», a indiqué à Kapitalis une source gouvernementale.

«Anouar Maarouf nous a reçus le jour de la reprise des travaux et nous a même dit qu’il a été induit en erreur. Il nous a aussi invité à venir dans son bureau à tout moment pour en discuter et en finir au plus vite avec ce litige», a précisé Habib Louati, en nous montrant sa photo aux côtés du ministre.

L’héritier a été fier de repeindre, dès le lendemain, le nom du défunt Ali Louati sur le mur du bâtiment principal. «Grâce aux jugements en notre faveur, nous allons arrêter de nouveau les travaux, avec la force publique, jeudi 23 février 2017. On ne va pas lâcher, surtout que j’ai appris que le projet n’est pas public mais a été vendu au Qatar et à la Turquie qui vont y installer un projet».

Voilà qui promet de nouvelles empoignades juridico-financières !

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