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L’avertissement de Caïd Essebsi aux dirigeants d’Ennahdha

Béji Caïd Essebsi rappelle à l’ordre les dirigeants d’Ennahdha qui, tout en faisant mine de participer au gouvernement, continuent de manœuvrer en catimini contre lui.

Par Abderrazek Krimi

Le président de la république Béji Caïd Essebsi s’est entretenu, mardi 30 mai 2017, au palais de Carthage, avec une délégation d’Ennahdha, conduite par le président du mouvement islamiste tunisien Rached Ghannouchi. Etaient, également, présents à cet entretien-surprise, le vice-président du mouvement Abdelfattah Mourou et le président de son bloc parlementaire Noureddine Bhiri. Excusez du peu ! Il y avait, visiblement, péril en la demeure.

Selon le communiqué de la présidence de la république, l’entretien a porté sur la situation générale dans le pays et sur l’amélioration des indicateurs économiques enregistrés lors du premier trimestre de l’année 2017. C’est ce qu’a aussi indiqué Rached Ghannouchi dans une déclaration à l’agence Tap.

La guerre contre la corruption gêne les Nahdhaouis 

Cependant, cette langue de bois éculée ne convaincra personne. Le vrai sujet évoqué au cours de l’entretien, dont le timing se passe de tout commentaire, c’est la position des Nahdhaouis vis-à-vis de la vague d’arrestations ordonnée par le chef du gouvernement Youssef Chahed dans les rangs des barons de la corruption et de la contrebande.

On sait qu’Ennahdha, qui est impliqué à divers niveaux dans les réseaux de la corruption et de la contrebande, a beaucoup à craindre de l’extension de cette campagne et il risque même d’en être éclaboussé à un moment ou un autre. La gêne de ses dirigeants (et le mot est faible) est on ne peut plus évidente. Aussi, et pour limiter les dégâts, cherchent-t-il sinon à faire capoter cette campagne du moins à imposer une ligne où arrêter le curseur.

D’ailleurs, la position officielle du parti islamiste laisse perplexe. Certes, il a exprimé un soutien tiède et du bout des lèvres à l’opération menée par le chef du gouvernement, mais les déclarations de certains de ses dirigeants laissent planer des doutes sur la sincérité de ce soutien. L’ancien ministre (et businessman) Mohamed Ben Salem, qui manie moins bien le double langage que Noureddine Bhiri, n’a pas pu s’empêcher d’exprimer son hostilité ouverte à cette compagne, confirmant ainsi les soupçons sur l’implication de certains dirigeants, nationaux et régionaux, du parti islamiste dans les réseaux de la corruption et de la contrebande.

La tension qui perdure, depuis plusieurs semaines, dans le gouvernorat de Tataouine et d’autres régions du sud semble être aussi avoir été au centre de l’entretien surprise entre les dirigeants d’Ennahdha et Béji Caïd Essebsi.

Sale temps pour les islamistes 

Le parti islamiste, on le sait, affectionne le double discours qu’il a élevé au rang de système de communication. Aussi, tout en affichant son soutien au gouvernement d’union nationale dont il fait tout de même partie, du moins formellement, ses membres continuent d’alimenter les agitations sociales dans les régions. Et cela, le gouvernement ne le sait que trop…

Il y a, d’autre part, la situation en Libye, qui semble au cœur des accusations portées par le tribunal militaire contre le baron de la corruption et de la contrebande Chafik Jarraya, réputé par son «amitié» avec les dirigeants d’Ennahdha et avec Abdelhakim Belhadj, le chef militaire des milices islamistes de Fajr Libya, qui est aussi, soit dit en passant, un ami personnel de Rached Ghannouchi et du parti islamiste tunisien.

La déroute subie, ces derniers jours, par ce dernier, dans son fief, la capitale Tripoli, face aux forces du gouvernement d’union nationale conduit par Fayez Al-Sarraj, semble inquiéter au plus haut point Ennahdha qui, comme on le sait, a toujours misé sur la victoire d’Abdelhakim Belhaj et des islamistes en Libye.

Pour toutes ces raisons, certains observateurs se demandent si l’objectif réel de cet entretien n’était pas de rappeler à l’ordre un parti qui, tout en faisant mine de participer à un gouvernement collégial, a toujours joué solo et manœuvré en catimini contre ce même gouvernement voire contre l’Etat tunisien.

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