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Rendre à Slim ce qui appartient à Riahi ?

Même Slim Riahi doit être considéré comme innocent jusqu’à preuve du contraire. Cessons le lynchage dont il fait l’objet et laissons la vérité s’imposer.

Par Dr Mounir Hanablia *

Je ne connais pas Slim Riahi; j’ignore tout de ses mœurs; cela ne m’intéresserait pas de le savoir. J’ignore s’il est ou non sympathique, et je ne suis pas un fan du Club africain (CA), pas plus d’ailleurs que celui de l’Espérance de Tunis ou de tout autre club de football tunisien. J’ignore par ailleurs si M. Riahi est ou non un homme d’affaires intègre en règle avec les lois de son pays; je ne suis pas même pas en état d’en juger. Je ne sais donc de lui que ce que l’on en rapporte, et je suis obligé d’essayer de me faire ma propre idée, dont je ne prétende pas forcément qu’elle corresponde à la réalité ou à la véracité des faits; il y a sans doute trop d’éléments que j’ignore.

Des incohérences doivent être relevées

Cela dit, il y a bien évidemment toutes les incohérences dans ce qu’on lit et ce qu’on entend, qui constituent autant de précieux indices sur les voies qu’il ne faille pas emprunter pour évaluer valablement les choses. Et justement, la semaine dernière, un chroniqueur attitré d’un journal électronique a proposé que Slim Riahi soit nommé ministre de la Justice parce qu’il aurait porté plainte contre le chef du gouvernement Youssef Chahed auprès d’un tribunal… londonien.

La plainte apparaît proprement irrecevable; il faudrait que Slim Riahi et Youssef Chahed résident tous deux en Grande-Bretagne, ou que l’une au moins des parties soit sujet britannique, que l’objet de leur litige s’y trouve ou y soit lié, et que le préjudice liant les deux parties soit établi.

Comme cela n’est pas le cas, ou ne saurait l’être, il est clair qu’aucun avocat anglais n’irait déranger la justice londonienne dans une affaire qui soit déjà aux mains de son homologue tunisienne, c’est plutôt celle-ci qu’il viendrait solliciter, contre l’Etat tunisien, et non pas le chef du gouvernement qui n’a rien à y voir. Et donc, elles ne sauraient être crédibles ces informations qu’on colporte dans un pot pourri de propositions grotesques, associant Moncef Marzouki aux affaires étrangères, pour sa défense du Qatar, et le secrétaire général de l’UGTT au ministère des Affaires culturelles, après sa prise de position contre la venue de Michel Boujdnah à Carthage. Un humour douteux qui le ferait passer au mieux pour un farfelu, à moitié idiot, au pire pour un traître traînant en justice dans un pays étranger son propre chef de gouvernement pour se protéger d’une accusation de corruption.

Evidemment, ma proposition d’associer à la liste des ministrables, celle de ce journaliste, au poste de l’Information, n’a pas trouvé l’attention attendue; apparemment l’humour dans ce journal est à sens unique.

Et justement, un comité autoproclamé des Sages du Club Africain, vient de décider d’exclure Slim Riahi de son poste de président, et de dissoudre le bureau directeur du club, pour en nommer un nouveau.

Slim Riahi et le président Béji Caïd Essebsi. 

Privé de ses avoirs sans accusation privative de liberté

Il y a là un fait absolument sans précédent : le propriétaire est dessaisi par un comité ad hoc sans que ce dernier ne se soit porté acquéreur de ses biens. C’est du moins l’information qui circule et qu’il faudrait tout de même prendre avec des pincettes.

Si les avoirs de Slim Riahi sont bel et bien gelés, ce serait du ressort de la justice de nommer un commis judiciaire chargé justement de prélever sur ces biens la valeur de ce dont il soit redevable afin justement qu’un grand club de sport continue son activité normale en étant en règle avec la loi et en faisant face à ses obligations. Mais apparemment, d’après ce que l’on en comprend, la justice n’a pas ce souci, et il faudrait donc savoir pourquoi même le fisc auquel la somme due se chiffre tout de même à 1,5 millions de dinars, n’a pas entamé les procédures de recouvrement nécessaires face à son débiteur.

Voilà donc la réalité des faits : le gel des avoirs n’a pour le moment du moins pas pour objet le remboursement des créanciers, même quand il s’agit des finances publiques.

Si donc le CA est dans l’état actuel des choses, objectivement en cessation de payement, il faudrait savoir à qui la responsabilité en incombe.

Le problème serait également de savoir selon quelles dispositions légales des avoirs d’un citoyen fussent gelés sans que lui-même ne fît l’objet d’une privation de liberté, dans le cadre d’une enquête préliminaire ordonnée par le parquet.

On aurait en effet de la peine à penser que le blanchiment d’argent ne fût pas un crime privatif de liberté, et n’entraînant que la saisie des avoirs.

Chassé même de la direction du Club africain qu’il a financé pendant plusieurs années. 

En attendant, on constate que, dans un contexte de lutte contre la corruption, l’opinion publique travaillée par des moyens d’information dignes de ceux dénoncés par Trump, pense que Slim Riahi soit poursuivi pour des faits y afférents, ce qui pour le moment du moins est loin d’être établi.

On constate qu’il est privé de ses avoirs sans qu’aucune accusation précise privative de liberté eût été lancée contre lui.

On constate qu’il est écarté d’une manière très discutable et assez ignominieuse de la direction de son club alors même que celui-ci ne soit pas en liquidation judiciaire.

On constate que l’un des principaux griefs des supporteurs du club africain, c’est que trop d’argent y ait été dépensé sans que les titres ne suivent. N’est ce pas justement la preuve qu’il l’ait été dans le respect des règles du sport?

Un homme demeure innocent jusqu’à preuve du contraire. Cessons ce lynchage, et laissons la vérité s’imposer.

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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