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Iran : Le radical Ebrahim Raïssi à la tête de l’appareil judiciaire

Ebrahim Raïssi, nouveau chef du judiciaire en Iran, est un personnage déjà tristement célèbre. Pour les observateurs, il est juste le candidat malheureux des dernières élections présidentielles, en mai 2017. Mais pour le peuple, il est l’un des principaux responsables du bain de sang de l’été 1988.

Par Hamid Enayat *

Membre de la commission de la mort, Ebrahim Raïssi a contribué à organiser l’exécution de milliers d’opposants politiques. Il était déjà incohérent de constater que l’acteur d’un tel massacre puisse rester impuni, qu’il puisse se présenter à une élection présidentielle dépassait déjà l’entendement, mais qu’un des responsables d’une des plus grandes exécutions de masse de la fin du XXe siècle puisse un jour devenir la référence de la justice au sein d’un Etat laisse deviner la vision que les mollahs peuvent avoir de la liberté et des droits humains.

Cette nomination est un message adressé aux opposants

Pire encore. Sa nomination est un véritable message adressé à tous les opposants. Cet homme a l’expérience de la répression. Il navigue dans l’appareil judiciaire du régime depuis plus de 30 ans. Ali Khameneï, dont il est proche, lui a confié une mission: transformer l’appareil judiciaire afin qu’il soit «en ligne avec ses besoins, avancées et défis». On imagine aisément quels sont les défis à relever pour le régime aujourd’hui. Après plus de 15 mois de soulèvements, partout dans le pays, le gouvernement ne parvient pas à calmer la colère du peuple. Les opposants au régime se font entendre de plus en plus clairement. La chute pourrait être proche… Ne reste que la violence et la terreur pour espérer tenir.

Pour mener à bien cette mission, le guide suprême a donc directement choisi et nommé Ebrahim Raïssi, son préféré, membre de la faction conservatrice. Et il l’a choisi justement pour sa «longue expérience à différents niveaux de l’appareil judiciaire.» Le message est très clair : l’opposition doit disparaître. Il ne faudrait pas qu’Ali Khameneï sombre dans la même folie que Rouhollah Khomeyni quelques mois avant sa mort, lorsqu’il avait signé la fameuse fatwa demandant l’éradication des Moudjahidines du peuple. Le fameux massacre de l’été 88 auquel a pris activement part Ebrahim Raïssi.

La caste au pouvoir applaudit l’arrivée du zélé Raïssi

Fait rarissime ces derniers mois, les deux factions qui se partagent le pouvoir ont applaudi à cette nomination. On aurait pu penser que ceux que nos chancelleries appellent «modérés» se seraient offusqués de cette nomination… Surtout avec un président soi-disant «réformiste» au pouvoir. Mais il n’en a rien été. Tous ont salué cette «bonne décision» du Guide suprême islamiste. Signe supplémentaire (s’il en était encore besoin) que la modération ne fait définitivement pas partie du vocabulaire des mollahs. Lorsqu’il s’agit de préserver les intérêts d’une caste, tous les coups sont permis. Les petites dissensions internes que l’on fait passer pour de grands désaccords politiques laissent vite la place à une union sacrée ayant pour seule visée la conservation du pouvoir et des richesses du pays.

Hassan Rohani se voit donc imposé son ancien concurrent aux présidentielles. Et il acquiesce! Son soi-disant principal adversaire politique entre dans le gouvernement avec pour mission de réformer de fond en comble l’appareil judiciaire afin qu’il soit plus efficace, qu’il respecte plus la ligne dure du guide suprême, et le président applaudit avec enthousiasme. Adversaires… Peut-être, pour le jeu médiatique. Mais ennemis, certainement pas. Les deux hommes défendent la même volonté farouche d’écraser toute résistance à leur conception de la vie, quels qu’en soient les moyens…

Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI – la coalition de l’opposition) a estimé dans un communiqué que «le choix de Raïssi par Khamenei prouve une fois de plus que cette théocratie en crise ne trouve aucune autre solution que la répression et crispation politique pour contrer la colère sociale durant la prochaine année iranienne (à partir du 21 mars 2019). À l’aide de ce nouveau bourreau, il veut ainsi fermer la garde de la dictature religieuse face à la résistance organisée et le soulèvement du peuple iranien.»

Désormais, l’heure est à la répression au pays. Les arrestations arbitraires et les tortures risquent de reprendre à la hausse. Depuis le début des soulèvements, Amnesty International compte déjà plus de 7 000 arrestations parmi les opposants déclarés au régime. Un nombre qui va croître dans les prochaines semaines. Pour les opposants, l’Union Européenne doit conditionner ses relations commerciales avec l’Iran au respect des droits humains.

* Journaliste iranien basé à Paris.

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