À l’approche des élections législatives et présidentielles, il reste à espérer que les Tunisiens, au bout de 8 ans de flou et d’instabilité, ont suffisamment appris à connaître leur classe politique pour savoir y distinguer le bon grain de l’ivraie.
Par Rachid Barnat
Si durant des décennies les Tunisiens étaient maintenus dans l’inculture politique parce qu’ils n’avaient pas droit de faire de la politique, le pouvoir préférant les infantiliser ne laissant de place qu’à une opposition fictive, alibi démocratique d’un président qui veut donner le change à l’opinion internationale qui l’accuse de dictature; depuis le 14 janvier 2011, la donne a changé, au point que les Tunisiens ont une indigestion de partis politiques voir une overdose politique; puisqu’ils ont plus de 200 partis politiques, des plus farfelus au plus réactionnaires.
Des leaders sortis de nulle part
Ainsi des hommes sortis de nulle part, ont occupé la scène politique parfois jusqu’à l’écœurement. Parmi eux des têtes connues mais aussi beaucoup d’autres inconnues.
Au bout de 8 ans, il faut espérer que les Tunisiens ont suffisamment appris à connaître leur classe politique pour savoir distinguer le bon grain de l’ivraie ! À en juger par les réseaux sociaux, on sent un éveil à la chose politique et un intérêt réel aux débats qui agitent le monde politique et la société tunisienne, avec souvent des analyses pertinentes de la situation et des crises politiques que traversent le pays depuis 2011. Souvent certains s’en tiennent aux personnes, à la forme et oublient le fond, comme s’ils ignoraient les idéologies qui animent leurs politiques ou censées les animer.
Des fois on se demande si certains politiques eux-mêmes en ont une, quand on voit le nomadisme que certains qualifient de «tourisme inter-partis»; et que pratiquent de nombreux parlementaires, à donner le tournis aux Tunisiens.
Distinguer le bon grain de l’ivraie
En gros, on peut classer les partis politiques en Tunisie en 4 catégories selon leur idéologie.
1° – Les Destouriens, nationalistes et patriotes, issus du premier parti le Destour (Constitution) et du Néo Destour qui ont libéré le pays; puis du Parti socialiste destourien (PSD) et du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) qui ont bâti la Tunisie moderne. Des partis au bilan plutôt positif. Leur grand échec étant de n’avoir pas su instaurer une réelle démocratie.
Sauf que parmi les Destouriens, il faut distinguer les vrais des faux !
Les faux étant ceux qui, en contradiction totale avec le nationalisme* qui fonde le Destour, admettent l’alliance avec son pire ennemi qu’est le pan-islamisme; comme Béji Caïd Essebsi, Youssef Chahed, le nouveau poulain de Ghannouchi; Kaïs Saïd; Mohsen Marzouk; Mehdi Jomaa et bien d’autres qui ont gouverné ou s’apprêtent à le faire, avec les Frères musulmans et poursuivre la politique du «consensus» qui paralyse le pays et le détruit un peu plus chaque jour, en s’aplatissant devant Ghannouchi devenu faiseur de rois et briseur de carrière politique pour les «carriéristes»; puisqu’ils ont définitivement admis la constitution voulue par les Frères musulmans pour paralyser le pays et en finir avec la République.
Sans parler de ceux qui ont fini par rallier Ennahdha, ces opportunistes prompts à retourner leur veste … preuve d’absence totale de conviction politique si toute fois ils en avaient une.
2 – Les pan-islamistes, nostalgiques d’une colonisation «religieuse» ; et qui veulent d’un califat où la Tunisie retrouvera son statut de province vassale d’un calife. Serait-ce Erdogan qui rêve de restaurer l’empire ottoman ou l’émir du Qatar ? Ghannouchi n’ayant pas encore arrêté son choix entre son Frère musulman et son sponsor qatari pour savoir à qui des deux il remettra la destinée de la Tunisie !
Du reste, les Tunisiens constatent depuis qu’Ennahdha a la main mise sur le pouvoir, que les institutions nationales sont grippées et que la fonction publique n’est plus ce qu’elle était; ce qui correspond parfaitement à la stratégie des Frères musulmans dont le projet est de détruire la République de l’intérieur pour repartir de la page blanche et préparer la Tunisie au VIe Califat auquel ils aspirent.
3° – Les pan-arabistes dont les Tunisiens ont découvert, ahuris, la lubie, lors de la constituante qui a révélé des personnages aussi farfelus que dangereux; comme Moncef Marzouki, alias Tartour, qui voulait changer le drapeau tunisien et l’hymne national; ou Samir Ben Amor, alias Panda; ou le fou furieux Abderraouf Ayadi qui voulait constitutionnaliser la «cause palestinienne»; ou le couple diabolique Abbou …
Ils veulent inclure la Tunisie dans ce qu’ils appellent «Oumma arabyyia» que Tartour s’apprêtait à concrétiser en ouvrant les frontières tunisiennes à ses frères «arabes» d’Afrique noire et d’Afrique du nord !
4° – Les communistes et les autres partis qui sont et resteront toujours marginaux ; puisque certains n’ont même pas saisi encore le sens de la chute du mur de Berlin !
Connaître les parcours des hommes et leurs idéologies
Il est nécessaire de connaître les parcours des hommes et les idéologies qui les animent qui sont quelques fois de vieilles lunes comme le pan-arabisme qui a lamentablement échoué avec le raïs Gamel Abdel Nasser que certains continuent à vénérer comme le chantre du pan-arabisme, alors que les pays dits «arabes» n’ont absolument rien en commun; ou le communisme qui a échoué lui aussi partout au bout de 70 ans, la chute du mur de Berlin annonçant son déclin; ou l’islamisme qui est le cancer de ce siècle !
Parce que ces idéologies, quelques fois non avouées ouvertement, expliquent les positionnements des uns et des autres et le danger que certains font courir à la Tunisie libérée du colonialisme en 1956, quand ils appellent de leur vœu à un nouveau colonialisme en dissolvant la nation tunisienne dans ce qu’ils appellent la « Oumma arabyyia » pour les uns ou la « Oumma islamyyia » pour les autres, sous la férule d’un raïs ou d’un calife !
Ces idéologies font que ceux qui s’en revendiquent, constituent un réel danger pour la souveraineté de la Tunisie, construite grâce au nationalisme des destouriens, bâtisseurs de l’Etat-Nation et de la République tunisienne !
*Le nationalisme est un principe politique qui est né à la fin du xviiie siècle, tendant à légitimer l’existence d’un État-nation pour chaque peuple par opposition au régime monarchique.
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