Un article de l’organisation américaine Access Now, publié le 16 août 2019, dénonce l’absence de garantie de la protection des données personnelles en Tunisie. Un risque grave pour le processus démocratique, estime-t-elle. Extraits.
Extraits traduits de l’anglais par Amina Mkada
Des aspects importants sont négligés dans la procédure de préparation des élections en Tunisie
Dans son article du 16 août, Access Now indique que la loi actuelle sur la protection des données ne prévoit pas de garanties adéquates pour la protection des données à caractère personnel, conformes aux normes internationales des droits de l’homme.
Afin d’y remédier, les autorités ont rédigé un nouveau document plus complet: le projet de « Loi sur la protection des données », approuvé par le conseil des ministres, en mars 2018, qui devait coïncider avec l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (GDPR) en Union européenne (UE), le 25 mai 2018.
Plus d’un an après, le projet de loi est toujours à la case départ… Il avait déjà été retardé en raison de la résistance de la société civile et d’autres autorités indépendantes, qui avaient dénoncé des lacunes importantes qui pourraient restreindre les libertés fondamentales, tel le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information.
Pas de distinction claire entre les données publiques et privées
L’autorité tunisienne d’accès à l’information (INAI) a publié un rapport qui suscitait de vives inquiétudes à propos du projet de loi qui n’avait pas de distinction claire entre les données publiques et privées. Ce projet de loi INAI viole les principes de transparence et d’accès à l’information, garantis par la Constitution tunisienne (Art.32). Aussi, la société civile a-t-elle publié une déclaration commune soulevant des préoccupations à ce sujet.
Vives inquiétudes quant au fonctionnement de l’INPDP
L’Autorité nationale pour la protection des données personnelles (INPDP) a été créée pour protéger le droit à la vie privée des particuliers. En outre, la constitution de 2014 définit l’INPDP comme organe indépendant, responsable du respect des principes de transparence et de responsabilité qui repose sur l’engagement civique. Aussi, l’INPDP devait-elle travailler en collaboration avec les organisations de la société civile.
Compte tenu de la situation actuelle, l’ensemble du processus législatif concernant ce projet de loi qui fait cruellement défaut, suscite de vives inquiétudes quant au fonctionnement actuel de l’INPDP…
La Colibe ne tient pas compte des recommandations de INPDP
La Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) a organisé des audiences permettant au public et à la société civile de donner leur avis sur ce projet de loi. Ce qui est très décourageant est que la Colibe n’a pas semblé tenir compte des recommandations de l’INPDP.
En fait, la Colibe les a soumises de manière indépendante, ignorant les consultations préalables de la communauté avec le public et les organisations de la société civile. Pour aggraver les choses, la Colibe a refusé de rendre publiques les recommandations de l’INPDP. Jusqu’à ce jour, tous les efforts déployés par Access Now pour demander l’accès aux recommandations, ou exprimer des préoccupations au sujet du processus, ont été rejetés.
La Colibe n’a pas présenté de plan clair pour les prochaines étapes de l’adoption du projet de loi, et n’a pas précisé s’il y aurait davantage de séances avec la société civile. Or, les dernières datent de plus d’un an…
Il est maintenant clair que ce projet de loi ne sera pas adopté avant les prochaines élections, car seuls 4 articles du projet de loi ont été votés. Or, les Tunisiens ont besoin de toute urgence d’une nouvelle loi mise à jour, qui tienne compte des modifications apportées aux nouvelles technologies.
Quelles conséquences sur les élections de 2019 ?
Pour la Tunisie, la période électorale sans la garantie du droit à la vie privée et la protection des données constitue une menace pour la démocratie. Dans un contexte politique déjà tendu, il est certain que les données personnelles des Tunisiens seront exploitées de manière simple: spammer les utilisateurs avec les messages politiques via SMS et l’émail, utiliser les informations personnelles pour cibler frauduleusement les messages, et favoriser une situation de «libre-échange» pour les courtiers en information, et les voleurs.
Aussi, la mise à jour du projet de loi sur la protection des données doit-elle être une priorité n°1 pour le gouvernement, et à l’ordre du jour de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
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