Des inspecteurs du Financial Action Task Force (FATF) ou Groupe d’action financière (Gafi), se rendront, les 16 et 17 septembre 2019, à Tunis, pour vérifier si la Tunisie a bel bien honoré les engagements pris et mis en place les mécanismes et procédures devant dissuader le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Par Khémaies Krimi
Selon l’organisme intergouvernemental en charge de l’examen et l’élaboration des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, la Tunisie doit démontrer que son dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est pleinement opérationnel.
Cette inspection intervient avant une ultime réunion que tiendra, au mois d’octobre prochain, le Gafi, pour décider de sortir la Tunisie «officiellement et définitivement» de la liste noire des pays fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, ou de l’y maintenir.
Un arsenal législatif et institutionnel déficient
Pour mémoire, la Tunisie a été classée, en novembre 2017, par la plénière du Gafi, à Buenos Aires, sur la liste des «pays fortement exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme». En cause : les dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Tunisie présentent des déficiences stratégiques. Il s’agit particulièrement du manque de transparence dans une économie tunisienne où l’informel représente 50 %.
En dépit des réformes engagées, depuis, en vue de satisfaire les directives du Gafi et favoriser sa suppression de cette funeste liste, la Tunisie a été maintenue en 2018 dans la catégorie dite des «pays sous surveillance», voire des pays qui se sont engagés dans un plan d’action arrêté en étroite collaboration avec les instances internationales et le Gafi.
À cette date, la législation du pays en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme était loin de satisfaire les standards fixés par le Gafi. Certes il y avait des progrès depuis novembre 2017, mais cela n’était nullement suffisant.
17 mois pour s’adapter aux standards internationaux
En accompagnement de ce maintien, le Gafi avait demandé à la Tunisie de présenter un nouveau rapport sur l’exécution du plan d’action de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, adopté en novembre 2017, au plus tard au cours du mois d’avril 2019.
Le rapport recommandé devrait contenir, selon le Gafi, des indicateurs et des données confirmant l’achèvement de la mise en œuvre des obligations des avocats, des comptables et des experts comptables dans le domaine de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il doit aussi confirmer l’entrée en vigueur du système du registre national et des informations précises et actualisées sur le bénéficiaire réel, ainsi que la mise de ces informations à la disposition des services d’exécution.
Le document doit prouver la mise en œuvre du régime de sanctions financières ciblées liées au financement du terrorisme, objet du décret gouvernemental n°72 du 1er février 2019.
La Tunisie a tout fait pour que ce rapport soit remis dans les délais, c’est-à-dire au mois d’avril 2019. Au total, il a fallu, 17 mois pour boucler l’affaire.
Selon le premier responsable de ce dossier, Fayçal Derbal, conseiller économique auprès du chef du gouvernement chargé de la fiscalité, sur un total de 40 normes et directives exigées, la Tunisie a adopté 29.
Le retrait serait imminent
En réponse à cette avancée significative, lors de sa dernière réunion, en juin 2019, le Gafi est arrivé à la conclusion que la Tunisie avait accompli son plan d’action visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Néanmoins, cette conclusion est une reconnaissance de principe et ne signifie aucunement un retrait définitif en ce sens où le Groupe a prévu pour la mi-septembre prochain une visite de ses inspecteurs pour s’assurer de la mise en œuvre de ce plan.
Signe de la bonne volonté du Gafi d’aider la Tunisie à sortir de cette malheureuse liste, une équipe informelle d’anciens inspecteurs du groupe a été dépêchée en Tunisie pour aider le gouvernement tunisien a bien ficeler ses dossiers en prévision de la prochaine visite des inspecteurs officiels du groupe.
Au programme de la visite officielle, figurent la visite du Registre national des entreprises et d’autres visites de terrain pour vérifier la conformité du dispositif législatif et institutionnels tunisiens régissant la lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme aux normes internationales,
Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane El Abbassi est optimiste quant à la sortie de la Tunisie de cette liste. Lors d’une conférence de presse tenue à la suite de la réunion du Gafi, en juin dernier, il a déclaré que «la visite des experts ne nous réservera aucune mauvaise surprise». «Tout est mis en place en matière de mécanismes réglementaires de déclarations de soupçons par les professions collatérales, à savoir les professions d’avocats, de notaires, de commissaires aux comptes, de responsables de casinos, des bijoutiers, de la promotion immobilière et des banques», a-t- il ajouté.
À l’horizon, un système financier transparent reconnu à l’international
Après la sortie de la Tunisie de la liste du Gafi, elle sera retirée automatiquement de celle de l’Union européenne, qui avait classé la Tunisie, le 7 février 2018, sur la liste noire des pays exposés aux risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
En somme, on peut avancer que cette mésaventure avec le Gafi a été très bénéfique dans la mesure où elle a poussé le gouvernement à conférer à sa législation et ses institutions une totale transparence et à bénéficier en prime d’une attestation internationale de conformité de son système financier aux règles universelles de l’éthique.
Donnez votre avis