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Formation du prochain gouvernement : Attayar fait-il face à une impasse politique ?

Mohamed Abbou ne sait plus où donner de la tête.

Le feuilleton de la formation du futur gouvernement se poursuit. Et alors qu’on pensait, il y a tout juste quelques jours, que la possibilité de la participation du Courant démocrate (Attayar) n’était officiellement plus d’actualité, suite à l’annonce, faite par ce parti, de l’échec des négociations avec Habib Jemli, chef du gouvernement désigné, cette hypothèse refait surface en ce début de semaine…

Par Cherif Ben Younès

Attayar a, en effet, indiqué, hier soir, 16 décembre 2019, via un communiqué rendu public sur sa page facebook, qu’il a «officiellement» reçu une nouvelle proposition, dans le cadre des tractations pour la constitution du nouveau gouvernement, suite à «l’initiative de certains politiciens, amis d’Attayar, ayant appelé à des réunions amicales et informelles pour rapprocher les points de vue des représentants de certains partis.» Et les amis, on le sait, veulent toujours votre bien, pas le leur.

Une nouvelle proposition de faire partie du gouvernement

Le parti social-démocrate a ajouté qu’en conséquence, son bureau politique s’est réuni pour examiner la proposition, apparemment alléchante (les portefeuilles de la Justice et de la Réforme administrative), et prendre une décision, soit en la rejetant, conformément à la décision de son Conseil national, soit en acceptant le principe, ce qui aboutirait à une réunion extraordinaire du même Conseil.

Le communiqué arrive au lendemain d’une déclaration faite par Mohamed Abbou, lors d’un symposium organisé par la coordination de son parti à La Manouba, à travers laquelle, il a assuré que «si Attayar reçoit une nouvelle proposition de rejoindre le gouvernement, la semaine prochaine, il l’étudiera», tout en précisant que si cette acceptation venait à se matérialiser, elle serait sur la base des conditions déjà annoncées, à savoir l’obtention des ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Réforme administrative.

La versatilité d’Attayar pourrait lui coûter cher

Mohamed Abbou a également dit que, le cas échéant, il ne soulèvera pas de réserve sur la présence de n’importe quel parti politique, tant qu’il n’échappera pas à l’application de la loi, faisant clairement allusion à Qalb Tounes, contre lequel il a, jusque là, toujours émis un veto, car certains de ses dirigeants, et notamment son président, Nabil Karoui, font face à de sérieuses accusations de corruption financière.

En définitive, du fait de cette inconstance dans ses positions, Attayar est naïvement en train de bâtir une nouvelle image de «girouette politique» qui, si elle se poursuivait, pourrait être fatale à sa réputation et, par conséquent, à son avenir politique.

Mais au-delà de ce danger dont M. Abbou ne semble pas encore être conscient, Attayar, en choisissant d’étirer les négociations à ce point (contrairement, à titre d’exemple, au mouvement Echaâb, son partenaire parlementaire), est surtout en train de jouer passivement, quelle que soit sa décision finale, le rôle qui lui aurait été tracé, sur mesure, par Ennahdha.

Ce dernier étant désireux de redorer son image, après un désastreux bilan de 8 ans de gouvernance, clamera, en aval, avoir tout fait pour convaincre ce parti, jusque-là «propre et irréprochable», de faire partie de son gouvernement.

Le parti s’est, semble-t-il, lui-même mis dans l’embarras…

Aujourd’hui, Attayar est dans une position très peu confortable…

S’il refuse de faire partie du prochain gouvernement, il sera martelé par des critiques l’accusant d’avoir mis des bâtons dans les roues et ralenti le processus de la formation du gouvernement, ce qui serait synonyme d’«irresponsabilité politique» dans la conjoncture économique actuelle du pays.

Cette option lui serait néanmoins moins grave que la deuxième, car s’il finit par accepter de faire partie du même gouvernement qu’Ennahdha – et vraisemblablement aussi Qalb Tounes – il aura probablement le même sort que tous les autres partis progressistes ayant collaboré avec les islamistes par le passé (CPR, Ettakatol, Nidaa Tounes, etc.), à savoir l’extinction politique, ou presque.

Si cette hypothèse se concrétise, Attayar aura beaucoup de mal à justifier, même auprès de ses électeurs les plus fidèles, une alliance avec des politiciens accusés de corruption, lui qui a toujours fait de l’intégrité son principal capital électoral et du combat de la corruption sa priorité absolue.

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