Tout en critiquant le refus de Kaïs Saïed de répondre à l’invitation tardive que lui a lancée la chancelière Merkel pour participer à la Conférence de Berlin sur le conflit libyen, Mohsen Marzouk donne une leçon de diplomatie active au président de la république, qui ne doit plus, selon lui, rater ce genre d’occasion.
Par Cherif Ben Younès
Après avoir décliné l’invitation, particulièrement tardive, d’Angela Merkel, à la Conférence de Berlin, consacrée au dossier libyen, Kaïs Saïed continue d’alimenter les débats en Tunisie. Alors que plusieurs personnalités politiques et médiatiques ont salué sa position, d’autres l’ont beaucoup moins appréciée. C’est notamment le cas de Mohsen Marzouk.
Invité sur le plateau de «Houna Shems», sur Shems FM, aujourd’hui, lundi, 20 janvier 2020, le président de Machrouu Tounes estime qu’on aurait dû, pour l’intérêt du pays, participer à ce sommet mondial.
«Je suis contre la politique de la chaise vide», a-t-il indiqué, ajoutant que la Tunisie aurait dû exprimer son mécontentement du timing de l’invitation, tout en l’acceptant. «Ça aurait été la solution la plus juste pour une diplomatie intelligente et réaliste», a-t-il également souligné.
Pour lui, on aurait, facilement, pu justifier cette acceptation, si elle avait eu lieu, par «le respect de nos relations diplomatiques avec l’Allemagne» ou encore «l’intérêt du peuple libyen», rappelant que l’Algérie a, elle aussi, été invitée tardivement et qu’elle a, malgré cela, accepté de prendre part aux travaux de la Conférence. «L’Algérie raisonne suivant une logique d’Etat», a-t-il lancé.
Rappelons toutefois, pour nuancer cette comparaison avec l’Algérie, que celle-ci a été invitée le 6 janvier, soit près de deux semaines avant la tenue de la Conférence, alors que la Tunisie en reçu l’invitation trois jours auparavant.
L’ancien secrétaire général de Nidaa Tounes (2015) estime, par ailleurs, que notre absence n’a pas impacté le sommet, alors que notre présence nous aurait été très bénéfique, et ce à plusieurs niveaux…
La participation à la Conférence aurait, notamment, permis à la Tunisie, selon Marzouk, d’exposer sa position concernant les volets humain et économique relatifs à l’impact du conflit libyen sur notre pays, soulignant qu’à titre d’exemple, plusieurs cliniques médicales tunisiennes ayant soigné des blessés venant de Libye n’ont toujours pas été payées.
Le politicien a estimé, également, qu’en faisant le voyage à Berlin, Kaïs Saïed aurait pu ouvrir la voie à la Tunisie d’éventuellement accueillir, dans l’avenir, un sommet dans le même genre.
«Le président de la république a récemment été élu et il avait l’occasion de rencontrer 5 ou 6 personnalités parmi les plus influentes dans le monde», a-t-il, par ailleurs, regretté, assurant que «les relations internationales reposent notamment sur les rapports personnels».
«Pour un petit pays comme le nôtre, qui n’a pas de richesses économiques, 50 à 60% de son activité, en vue de pouvoir manger, vivre et se développer, consiste en sa bonne gestion de ses relations extérieures», a-t-il conclu.
Mohsen Marzouk a, d’un autre côté, donné les raisons pour lesquelles, selon lui, l’invitation de la Tunisie à la Conférence de Berlin a fait l’objet d’une hésitation : un président nouvellement élu, une discontinuité dans nos relations avec l’Allemagne, une certaine passivité tunisienne concernant le conflit libyen, une diplomatie «dormante» et des doutes quant à nos rapports internationaux du fait que le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, s’est dernièrement «mis à parler en notre nom».
Ce dernier est d’ailleurs le plus grand perdant de cette Conférence selon M. Marzouk, puisque la plupart des décisions qui y ont été prises vont à l’encontre de l’ingérence étrangère.
Le président de Machrouu Tounes a, sur un autre plan, déclaré que Rached Ghanouchi, président d’Ennahdha et de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), est «quasiment l’ambassadeur de Turquie en Tunisie», ajoutant qu’il doit présenter ses excuses quant aux raisons qu’il a avancées, au parlement, pour justifier sa visite controversée en Turquie pour rencontrer Erdogan, un jour seulement après la chute du gouvernement Jemli.
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