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Tunisie : Face aux dérives de Ghannouchi, la classe politique impuissante ou complaisante ?

Ghannouchi est en train de transformer le perchoir en principale instance de pouvoir en Tunisie.

Depuis qu’il est au perchoir, le président du parti islamiste Ennahdha n’arrête pas d’empiéter sur les pouvoirs des deux têtes de l’exécutif aux plans intérieur et extérieur. Ces manœuvres de Ghannouchi sont suffisamment graves pour que l’on attire l’attention sur elles. Or, il semble que, par complicité ou par ignorance, la classe politique soit en train de laisser faire.

Par Hassen Zenati

Le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) Rached Ghannouchi est en train de contraindre cette institution à un grand écart périlleux, en violation du principe de séparation des pouvoirs, consacré par la Constitution, malgré toutes les faiblesses qu’on lui connaît.

Les limites du rôle du président du parlement

Même dans les régimes d’Assemblée, dans leur acception la plus large, comme la France en a connu un sous la Quatrième République, ou l’Italie jusqu’à récemment, le président de l’Assemblée n’a jamais exercé directement le pouvoir en excluant le président de la République, ni en le partageant avec l’exécutif.

Dans ce régime, le chef de l’Etat étant élu indirectement par l’Assemblée, règne mais ne gouverne pas, comme on le dit aussi de la reine Elisabeth d’Angleterre, de la reine des Pays-Bas ou du roi de Suède. C’est le Président du Conseil (Premier ministre) qui est le chef de l’exécutif, appuyé par une majorité directement issue de l’élection ou une majorité d’idées formée autour de lui par les députés issus du suffrage universel de diverses obédiences politiques. Il est directement responsable devant la représentation nationale qui l’investit sur la base d’un programme de gouvernement qu’il est tenu de lui présenter.

Dans le cas de figure de la «cohabitation» à la française, c’est encore le Premier ministre, chef d’une majorité de couleur politique différente du président de la République, qui assure l’exercice du pouvoir exécutif, sans que le président de l’Assemblée nationale ne puisse y interférer de quelque façon que ce soit. Ce cas de figure ne risque d’ailleurs plus de se présenter depuis que le mandat du président de la République a été écourté de deux ans, à cinq ans, devenant de même durée que celui de l’Assemblée nationale.

Par petites touches perverses

Par petites touches perverses, un troisième cas de figure est en train de s’imposer en Tunisie. Il semble en effet que Ghannouchi soit en train d’orienter les choses vers un exercice direct du pouvoir par la président de l’ARP (lui-même) au détriment du président de la République, élu du suffrage universel, et du Premier ministre, seuls titulaires légitimes du pouvoir exécutif.

Depuis qu’il est au perchoir, le président du parti islamiste Ennahdha n’arrête pas d’empiéter sur les pouvoirs des deux têtes de l’exécutif aux plans intérieur et extérieur. Ces derniers temps, il ne le fait même plus par personnes interposées, mais directement, en se mettant au dessus du Premier ministre et au même niveau que le chef de l’Etat, en attendant sans doute mieux.

Cette dérive institutionnelle risque de conduire la Tunisie vers un système de gouvernance proche, sinon identique, à celui de la choura islamique, marqué par une totale confusion des pouvoirs. Le pays tomberait alors dans la dictature absolue, une théocratie.

Ces manœuvres de Ghannouchi sont suffisamment graves pour que l’on attire l’attention sur elles. Or, il semble par complicité ou par ignorance que la classe politique soit en train de laisser faire, à la notable exception de Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL). Il serait temps de lui ouvrir les yeux.

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