Pier Paolo Pasolini est un poète et artiste éclectique italien né le 5 mars 1922 à Bologne et décédé le 2 novembre 1975 sur la plage d’Ostie, près de Rome. Il aura incarné une figure intellectuelle majeure du XXe siècle en Italie mais aura été aussi l’une des personnalités les plus clivantes de son temps.
Fils d’officier, Pasolini ne cesse toute sa jeunesse de passer de ville en ville : Bologne, Parme, Belluno, Crémone, Reggio nell’Emilia, puis Bologne encore où il fréquente l’université. En 1943, il doit partir pour Casarsa, dans le Frioul, le pays de sa mère, où il restera jusqu’en 1949. C’est là qu’il commence à écrire.
Il s’établit ensuite à Rome, dernière adaptation à un milieu nouveau – celui du peuple romain et du sous-prolétariat des faubourgs. Il y dirige ensuite la revue ‘‘Nuovi argomenti’’ avec Alberto Moravia qui le considérait, dès la fin des années 50, comme le plus grand poète italien de sa génération.
Auteur de poèmes, de romans, de récits, de traductions libres de Plaute et d’Eschyle, Pasolini, qui avait collaboré à de nombreux scénarios, est devenu réalisateur relativement tard : entre ‘‘Accatone’’ (1961) et ‘‘Salo ou Les Cent Vingt Journées de Sodome’’, il aura réalisé dix-huit films.
Il est mort le 2 novembre 1975, assassiné dans des conditions mystérieuses toujours non élucidées sur la plage d’Ostie dans la banlieue romaine.
Un jeune prostitué de 17 ans, Giuseppe Pelosi (dit «Pino la grenouille»), arrêté dans la nuit, avouera le meurtre et sera écroué. Le 7 mai 2005, dans une interview à la Rai, Pelosi, libéré depuis, fait volte-face. Il se proclame innocent, dit qu’il n’a même pas touché Pasolini et attribue l’homicide à trois autres personnes dont il ne divulgue pas l’identité, mentionnant seulement leur accent sicilien. Pelosi prétend avoir tu la vérité durant plusieurs années afin de protéger sa famille et ses proches, par crainte de représailles. Certains observateurs estiment qu’il s’agit d’un assassinat politique maquillé en crime de mœurs. Pasolini a mis en cause la Démocratie chrétienne, des groupes pétroliers, la CIA et la Mafia dans la mort d’Enrico Mattei, patron du groupe pétrolier italien Eni.
Alberto Moravia, pivot de la vie intellectuelle italienne, dira de la fin tragique de Pasolini: «Sa fin a été à la fois similaire à son œuvre et très différente d’elle. Similaire parce qu’il en avait décrit, dans ses œuvres, les circonstances sales et atroces, et différente parce qu’il n’était pas l’un de ses personnages mais une figure centrale de notre culture, un poète qui avait marqué une époque, un réalisateur brillant, un essayiste inépuisable.»
Dans un article paru dans ‘‘L’Obs’’ en juillet 2019, Stéphane Lapaque écrira: «De l’arrivée de Pier Paolo Pasolini à la gare Termini de Rome, le 28 janvier 1950, jusqu’à sa mort atroce sur un terrain vague d’Ostie, dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, les poursuites à son encontre furent innombrables. Le plus libre, le plus vif, le plus explosif des artistes italiens du XXe siècle fut tour à tour traîné devant les tribunaux pour ‘‘ébriété’’, ‘‘bagarre’’, ‘‘attitude suspecte’’, ‘‘détournement de mineurs’’, ‘‘contenu pornographique’’, ‘‘attaque à main armée’’, ‘‘calomnie’’, ‘‘diffamation par voie de presse’’, ‘‘dénonciation’’, ‘‘instigation à la désobéissance aux lois’’, ‘‘propagande internationale’’, ‘‘apologie du crime’’. Sans oublier l’accusation de ‘‘massacre de brebis’’ dont on l’accabla au moment du tournage de son film ‘‘Porcherie’’…»
Il est difficile de dire, dans le langage d’un fils à sa mère,
ce qui, en mon for intérieur, ne me ressemble guère.
Tu es la seule au monde à savoir ce qu’il en a toujours
été de mon cœur, avant tout autre amour.
C’est pourquoi je dois te dire ce qu’il est horrible de connaître :
c’est dans ta grâce que je vois mon angoisse naître.
Tu es irremplaçable. C’est pourquoi est condamnée
à la solitude la vie que tu m’as donnée.
Et je ne veux pas être seul. J’ai une faim démesurée
d’amour, d’amour de corps sans âme demeurés.
Car l’âme est en toi, c’est toi, tu es simplement
ma mère et ton amour est mon asservissement :
j’ai passé asservi à cette sensation toute mon enfance
sensation élevée, irrémédiable, d’un engagement immense.
C’était le seul moyen de ressentir la vie,
sa nuance absolue, sa forme absolue : voilà, elle est finie.
Nous survivons et c’est la confusion
d’une vie re-née hors de la raison.
Je te supplie, ah, je te supplie, de ne pas vouloir mourir.
Je suis ici, seul, avec toi, en un avril à venir…
Traduit au français par René de Ceccaty.
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